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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/123

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La question n’était pas sans embarrasser les évêques. Ils étaient loin d’être d’accord. Chacun d’eux savait-il même bien ce qu’il voulait ? Il n’était pas jusqu’aux deux prélats les plus en vue et qu’on était habitué alors à considérer comme les chefs de file des deux partis opposés dans l’épiscopat, Wilberforce, évêque d’Oxford, et Tait, évêque de Londres, chez lesquels on ne constatât alors, en cette matière, une sorte d’incertitude et de tâtonnement. Wilberforce sentait le besoin et avait le goût d’un développement du cérémonial, mais il tremblait à la pensée de se voir compromis dans un mouvement romanisant. « Vous vous trompez, écrivait-il à l’un de ceux qui l’attaquaient à ce sujet, en pensant que j’aime les rites et le cérémonial romains. Tout ce qui est romain est une puanteur pour mes narines[1]. » De là, dans son attitude, une sorte de va-et-vient : tantôt il paraissait encourager le Ritualisme, tantôt il le désavouait[2]. Quant à Tait, par ses origines presbytériennes, par ses idées mi-evangelical, mi-broad, et jusque par le tour peu imaginatif de sa piété, il était réfractaire au Ritualisme plus encore qu’il ne l’avait été au Tractarianisme. Aussi, depuis qu’il gouvernait le diocèse de Londres, n’avait-il pas manqué une occasion, privée ou publique, de s’exprimer avec une sévérité dédaigneuse sur ces « folies, » sur ces « mimiques enfantines, » sur « ces innovations ou retours à d’anciens usages, tendant à renverser les barrières qui marquent, dans l’esprit des gens simples, la distinction entre notre culte et celui de Rome[3]. » Seulement, sur le moyen de les réprimer, il était beaucoup moins résolu qu’on ne pourrait le supposer d’après son caractère et d’après la conduite qu’il devait tsnir plus tard. Il repoussait alors, ainsi qu’il s’en expliqua à plusieurs reprises, toute idée de poursuites judiciaires contre les novateurs ; il redoutait l’agitation qui en résulterait et jugeait fort déplaisant le rôle qu’il aurait à y jouer. « Je me refuse, disait-il, à suivre de tels procès de cour en cour, pour plusieurs raisons : la moindre de ces raisons n’est pas que je ne me fais pas à l’idée que celui qui a nom, dans l’Église, « père en Dieu, » poursuivrait les hommes même pour lesquels il a un profond respect[4]. » Ce dernier trait est remarquable. C’est qu’en effet

  1. Life of Wilberforce, t. II, p. 359.
  2. Ibid., t. III, p. 187 à 190, 198 à 200.
  3. Life of Tait, t. I, p. 220, 241. Voir aussi son mandement de décembre 1866, p. 441 à 443.
  4. Ibid., t. I, p. 404. — Cf. aussi ibid., p. 221, 419.