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l’antipathie naturelle de Tait pour les Ritualistes était combattue par l’estime et l’admiration qu’il ne pouvait s’empêcher de ressentir pour leur zèle apostolique[1]. Un jour, en 1863, à un évêque américain qui lui demandait pourquoi il permettait les pratiques ritualistes du clergé dans East London, il répondit, avec un accent pénétré et des larmes dans les yeux : « Ces hommes obtiennent ce résultat que de pauvres âmes perdues peuvent être sauvées et que notre béni Seigneur est leur Sauveur comme il est le nôtre. Qui suis-je pour m’ingérer dans l’œuvre qu’ils sont en train de faire, suivant la voie qu’ils pensent la meilleure, afin de sauver ceux qui menacent de tomber dans la mort[2] ? » A défaut des poursuites judiciaires, Tait ne se connaissait pas d’autre moyen d’action que l’exercice pacifique et discret du pouvoir d’admonition dont chaque évêque était divinement investi, action un peu platonique, car il confessait être sans moyen légal de contrainte, pour le cas où le clergyman se refuserait à avoir égard à ses avertissemens[3]. En fin de compte, ne voyant partout que danger, difficultés et impuissance, il aboutissait à cette conclusion, dont ses opinions résolument érastiennes ne s’effarouchaient pas, que le salut ne pouvait venir que des pouvoirs publics et du Parlement, et que c’était à eux de fournir des armes nouvelles pour dompter le Ritualisme[4].

Dans ces conditions, il n’y avait presque rien à attendre de la Chambre haute de la Convocation. Après une première délibération sans résultat, en 1866[5], elle ne put aboutir, en février 1867, qu’à cette déclaration générale, précédée d’un préambule assez peu favorable aux innovations ritualistes : « Notre jugement est qu’aucune altération au rituel consacré par un long usage ne doit être faite, tant que l’on n’a pas obtenu, pour ce changement, la sanction de l’évêque[6]. » Mais, sur ce que l’évêque devait ou non sanctionner, la délibération était muette. Et surtout il n’apparaissait pas que cette invitation d’en référer à l’évêque eût aucune force coercitive qui pût avoir

  1. Life of Tait, t. I, p. 404, 438, 497.
  2. Ibid., t. II, p. 586.
  3. Ibid., t. I, p. 240 à 243, 413.
  4. Ibid., t. 1, p. 432.
  5. Life of Wilberforce, t. III, p. 191 à 194.
  6. Life of Tait, t. I, p. 406.