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bien fait voir lors du petit incident Lee, qui a fait un certain bruit au commencement de 1905.

M. Arthur Lee, lord civil de l’Amirauté, assistant le 27 janvier dernier à un dîner de l’Association conservatrice et unioniste de Fareham, parla des changemens qui venaient d’être opérés dans l’organisation des forces navales de l’Empire et qui en doublaient la puissance et l’efficacité pour le combat. Il fit, à cette occasion, l’éloge de son chef, le premier lord de l’Amirauté et aussi celle du First Sea Lord (premier lord naval), sir John Fisher, dont le génie et l’énergie enthousiastes constituaient, avec la largeur de vues et la clairvoyance de lord Selborne, une combinaison magnifique, qui n’avait pas été égalée jusqu’ici. M. Lee, qui aime parler, prononça sur le même sujet, le 2 février, un discours à Eastleigh, devant ses électeurs. Ses paroles furent reproduites, le 4, dans les journaux de Londres, et des comptes rendus télégraphiques en parurent en Allemagne, où ils eurent le don de provoquer une grosse émotion dans la presse. Des journaux de toutes opinions, la Vossische Zeitung, la Post, le Berliner Tagblatt, et d’autres, interprétèrent les explications données par M. Lee sur la nouvelle répartition des flottes anglaises comme une menace directe à l’adresse de l’Allemagne.

Le lord civil n’avait pu, en effet, éviter dans ces explications de parler de la mer du Nord, dont l’importance stratégique ne cesse de s’accroître. Membre subordonné de l’Amirauté, fraction de ministre, ce personnage, que le hasard avait mis en situation de causer en Allemagne, par quelques paroles, une émotion comparable à celle qu’eût pu provoquer un discours agressif de M. Chamberlain, essaya d’atténuer, le 7 février, toujours à Eastleigh, la portée de ses premières déclarations. Il n’avait jamais eu l’intention de menacer l’empire germanique. Il avait simplement constaté le fait que « la Grande-Bretagne attend avec un sentiment d’anxiété un conflit qui aurait pour théâtre la mer du Nord, mais qu’elle a maintenant la consolation de penser que, si ce conflit venait à se produire avant longtemps, elle serait en situation de porter les premiers coups. »

Il y a certaines façons d’excuser une offense qui ne réussissent qu’à l’aggraver. On prétendit que les paroles de M. Lee avaient été exactement celles-ci : « Au cas où, par malheur, la guerre viendrait à être déclarée, la flotte britannique, dans les conditions actuelles, serait en état de porter le premier coup,