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II

Les accidens morbides causés par le séjour dans les tunnels sont dus à deux causes : à la viciation de l’air comme cause principale, à la chaleur, comme cause accessoire. Ce sont les employés, mécaniciens, chauffeurs, serre-freins qui en sont les plus fréquentes victimes. Les voyageurs y échappent habituellement. L’air est surtout rendu nuisible par la présence d’une petite quantité d’oxyde de carbone. M. Mosso et ses collaborateurs ont étudié la composition du gaz qui s’échappait de la cheminée dans un cas ou la machine peinait et où le mécanicien poussait le feu pour entraîner le convoi sur la voie montante. Ils y ont trouvé à peine 4 pour 100 d’oxygène. C’est un air qui a perdu les trois quarts du gaz essentiel à la respiration. En revanche, il contenait jusqu’à 3 pour 100 d’oxyde de carbone, c’est-à-dire une proportion considérable d’un gaz toxique. On sait, en effet, d’après les expériences de Haldane, de Gréhant et de beaucoup d’autres physiologistes qu’un air qui renferme une proportion de ce gaz cinquante à cent fois moindre (0,05 pour 100) est capable de faire sentir ses effets toxiques sur l’homme, à la condition d’être respiré suffisamment longtemps.

La chaleur augmente cette toxicité de l’air ou, tout au moins, en aggrave les effets. Nous devons à M. U. Mosso une description des malaises qui sont engendrés par cette fâcheuse collaboration. Ils ont été observés dans le tunnel de Ronco sur la ligne de Gênes à Turin. La température sur la plate-forme de la machine de tête atteignait 50°. Ce sont là des conditions presque intolérables pour le mécanicien et le chauffeur parce qu’il s’agit d’une chaleur humide. L’homme supporte des températures beaucoup plus élevées si le milieu est sec : l’organisme lutte alors contre réchauffement par l’évaporation qui se produit à la surface du corps. Si l’air est humide, cette ressource fait défaut : l’évaporation est empêchée, l’organisme est surchauffé et les effets désastreux de cette surchauffe se développent et se superposent à l’intoxication oxycarbonique.

Le mécanicien et le chauffeur sont ainsi enveloppés d’une sorte de nuage asphyxique et brûlant, formé par l’air qui, sorti de la cheminée » est allé frapper la voûte et s’est renversé sur les malheureux agens L’irrespirabilité de cette atmosphère se manifeste souvent par un signe qui émeut, inquiète et affecte profondément le personnel des machines. La lumière qui éclaire le manomètre et permet de lire la pression