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de vapeur dans la chaudière faiblit et s’éteint. Cette extinction des lampes est un signe funèbre.

La condition des gardes-freins n’est pas meilleure, bien qu’ils soient éloignés de la machine, c’est-à-dire du foyer d’échauffement et de viciation. Juchés dans une guérite, à la partie supérieure de l’une des dernières voitures, ils sont près de la voûte où s’accumule l’air le plus altéré et le plus chaud. Quant aux voyageurs, leur position est beaucoup meilleure : aussi échappent-ils plus ou moins complètement aux accidens qui frappent le personnel.

Les conséquences de cette action combinée de la chaleur et de la corruption de l’air par l’oxyde de carbone pourraient être très graves et même mortelles, si la situation se prolongeait, si, par exemple, la locomotive patinait longtemps sans pouvoir avancer. En fait, ces circonstances aggravantes se présentent assez rarement. Le pire que l’on observe, ce sont des évanouissemens, des pertes de connaissance, des symptômes d’asphyxie à son début. La situation s’améliore rapidement par suite du mouvement du train et de sa sortie du tunnel.

Le plus souvent, l’empoisonnement en est resté au premier degré. Les employés ont seulement ressenti un violent mal de tête ; ils ont éprouvé des sensations pénibles de nausée et enfin une fatigue, une impression d’épuisement musculaire qui s’exagère au moindre effort et met l’homme hors d’état d’accomplir un travail fatigant. L’ensemble de ces malaises est connu, dans le langage des employés de chemins de fer, sous le nom de caldana. Les médecins ont constaté ces symptômes et consacré leur groupement, — leur syndrome, comme on dit en médecine, — en une sorte d’entité morbide qui pourrait être appelée le mal des tunnels. Il y aurait donc un mal des tunnels comme il y a un mal des montagnes et un mal des ballons. On verra, dans un instant, que, précisément, ces trois mots n’en forment qu’un seul.

A côté de cet empoisonnement aigu et passager dont sont particulièrement victimes les employés de la traction, on a constaté, dans ces mêmes tunnels des Apennins, de Ronco, et dei Govi, une sorte d’empoisonnement chronique. Les victimes de cette affection sont surtout les ouvriers chargés des travaux d’entretien et qui séjournent dans les galeries pendant quatre ou cinq heures par jour, et enfin les employés de la voie, gardiens et surveillans, dont le service quotidien a une durée de huit heures. Un certain nombre d’entre eux se plaignent de maux de tête habituels, de perte d’appétit et de faiblesse.