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que celui qui possède l’autorité souveraine, le Roi dans l’État, le père dans la famille, la possède entière ; mais ce pouvoir, absolu dans son essence, est limité par l’usage. Le chef de l’État, s’il ne le partage avec personne, ne doit pas l’exercera sa fantaisie. Il faut qu’avant d’agir il prenne l’avis des anciens (Patres), qui peuvent l’éclairer. Ce principe posé, tout en découle ; le conseil des anciens (Senatus) n’a d’autre mission que de répondre au chef de l’État qui le consulte ; il ne possède donc aucune initiative par lui-même. Il se réunit quand on le convoque, il parle quand on l’interroge ; il ne fait pas des lois, connue l’assemblée du peuple dans ses comices, il donne des avis (senatus consulta), et ces avis n’imposent pas une rigoureuse obéissance ; ils ont seulement l’importance que leur donnent l’âge et la situation de ceux à qui on les a demandés (auctoritas) ; mais cette importance est très grande et grandira de plus en plus, car le chef de l’État n’est pas tout à fait libre de les choisir comme il lui plaît. Il est tenu de prendre d’abord ceux que le peuple a nommés à quelque magistrature, en sorte que l’élection populaire en est la première origine. Quand il les a réunis pour les consulter, il demande successivement l’opinion de chacun d’eux, mais il ne le fait pas au hasard ; il suit l’ordre dans lequel ils sont rangés sur la liste qui contient tous leurs noms, et cet ordre est celui des fonctions qu’ils ont occupées. Comme chacun par le à son tour, quand on lui a demandé de parler, et qu’il ne parle qu’une fois, les discussions où l’on s’attaque et l’on se répond ne sont pas possibles. Le Sénat romain est donc uniquement, au moins dans son principe, une assemblée consultative, et ne ressemble en rien à celles qui, de nos jours, en France et en Amérique, portent le même nom.

Avec le temps, des modifications importantes furent introduites dans la vieille institution. Le président de l’assemblée, au début de la séance, quand les circonstances étaient graves, se permit d’exposer la situation, ou d’interpeller directement un des membres du Sénat, comme le fit Cicéron le 7 novembre, ou même d’indiquer par avance son sentiment, pour influencer celui des autres, comme il allait le faire le 5 décembre. On admit aussi que celui qui présidait pourrait user plus fréquemment du droit de prendre la parole quand il le voulait, ce qui introduisait plus d’imprévu et plus de vie dans les délibérations. En même temps, les membres de l’assemblée trouvèrent un moyen détourné de