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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/377

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arachnides, les crustacés habitant les grottes privées de lumière, ainsi que les anciennes catacombes de Paris, ont perdu, en assez peu de temps probablement, les organes de la vision devenus absolument inutiles dans un milieu tout à fait privé de lumière. Les animaux qui vivent dans les régions désertiques de l’Égypte prennent tous une coloration jaunâtre, protectrice, qui leur permet d’échapper aux regards de leurs ennemis, et aussi de surprendre plus facilement, et sans être aperçus, les espèces dont ils font leur nourriture. L’adaptation des êtres vivans aux milieux qui les entourent est une règle générale qui ne souffre point d’exception. L’animal ainsi que la plante, dans certaines conditions, doit se transformer ou mourir.

Mais il n’en est pas moins intéressant de constater que la morphologie des êtres vivans, et notamment celle des vertébrés, est restée la même, depuis des milliers d’années, dans une région terrestre dont la climatologie paraît n’avoir subi aucun changement depuis l’époque reculée que les géologues appellent quaternaire. Les momies animales de l’ancienne Égypte, à ce point de vue, nous fournissent les documens les plus positifs, puisque beaucoup d’entre eux peuvent être datés avec une très grande approximation, grâce aux inscriptions si nombreuses sur tous les monumens.

Depuis plus de vingt ans, à la suite de nombreux voyages et de longs séjours en Égypte, j’avais fait d’innombrables démarches, officieuses ou officielles, auprès de tous les ministres compétens d’Égypte, de France et d’Angleterre afin d’obtenir en grand nombre ces intéressantes momies dont je soupçonnais la valeur. Mais, pendant des années, ces demandes ont été vaines ; je n’obtenais que de bonnes paroles, et rien de plus. On aimait mieux laisser détruire ces momies, les laisser transformer en engrais par certains industriels, que de prendre la peine de les faire rechercher afin d’en permettre une étude sérieuse. Cette question n’intéressait point les égyptologues. Ce n’est que grâce à M. Maspero depuis sa nomination à la direction générale du service des antiquités en Égypte, que j’ai pu enfin obtenir ce que je désirais depuis si longtemps. Dans différentes localités, les galeries et les puits, entièrement obstrués et la plupart du temps profonds de plus de trente mètres, ont pu être rouverts aux frais de la ville de Lyon ; le sable fin et coulant en a été retiré non sans difficultés, et un nombre considérable de momies