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nue Frédéric Schiller n’est pas un nom aussi distingué que Gœthe ou que Heine. A le juger d’après son nom, je jurerais que les œuvres de Schiller doivent être de même sorte que les portraits de l’excellent peintre hollandais Van der Helst : comme ces portraits, elles doivent être remplies de ces qualités solides qui rendent un ouvrage classique et, en même temps, illisible.


Tout concourt, d’ailleurs, à nous prouver que Schiller, cent ans après sa mort, ne se trouve pas en grande faveur auprès des jeunes générations littéraires de son pays. Tandis que le cent-cinquantenaire de Gœthe, en 1899, a fait naître une nombreuse et importante série d’études biographiques ou critiques, je ne vois pas que le centenaire de la mort de Schiller nous ait, jusqu’ici, rien valu de semblable. Parmi la foule des publications nouvelles qu’il a provoquées, tout au plus aurait-on à signaler le premier volume d’une consciencieuse biographie du poète, qu’il sera temps d’apprécier quand son auteur, M. Karl Berger, l’aura achevée, et un très intéressant petit livre de vulgarisation où M. Ernest Muller, conservateur du Musée Schiller de Marbach, nous offre, avec l’accompagnement d’un texte explicatif plein de détails curieux, une série de reproductions des portraits du poète, des portraits de ses parens et de ses amis, des maisons qu’il a habitées, de ses autographes, etc. Mais nulle trace, dans tout cela, d’un travail original sur l’œuvre poétique de Schiller, sur le développement de ses idées, sur le rôle qu’il a joué dans la littérature allemande. Et ainsi la célébration du centenaire de la mort de ce grand homme aurait été pour nous absolument sans fruit si elle ne nous avait valu, il y a quelques semaines, une très belle réédition de la Correspondance de Schiller avec Gœthe, précédée, d’une longue et savante préface de M. Chamberlain.


A supposer même que toute l’œuvre poétique de Schiller dût, un jour, périr, sa correspondance avec Gœthe resterait pour nous porter témoignage de son grand cœur et de son génie. Et vraiment aucun autre de ses écrits, dans les circonstances présentes, n’était aussi bien fait que celui-là pour être remis sous les yeux du public allemand. Car il faut dire les choses comme elles sont : si le principal grief réel des jeunes lettrés allemands contre Schiller est la présence, chez lui, de cet esprit chrétien que Gœthe, le premier, leur a appris à haïr, leur argument principal contre lui est son infériorité vis-à-vis de Gœthe. Ils ne lui pardonnent pas d’avoir été, pendant près d’un siècle, tenu pour l’égal de son illustre ami ; et le fait est que ni ses ballades, ni ses