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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/535

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plus divers fondirent sur la France déjà si éprouvée, et lorsqu’on, en lit le détail dans les Mémoires du temps, et surtout, dans la Correspondance des Intendans, ces préfets de l’ancien régime, avec les contrôleurs généraux[1], où l’on voit se dérouler jour par jour l’histoire administrative et économique de la France, on se prend à admirer une fois de plus la force de résistance de notre pays. On ne peut non plus s’empêcher de constater les progrès qu’au point de vue du bien-être et de la diminution des souffrances, les siècles ont amenés dans la condition générale de toutes les classes sociales, aussi bien en bas qu’en haut ; progrès dont il faut faire honneur mon point à un régime plutôt qu’à un autre, mais tout simplement au travail et à l’effort accumulé des générations successives, aux découvertes de la science, à la facilité plus grande des échanges et peut-être aussi à une connaissance plus approfondie des lois économiques. On peut et, doit regretter beaucoup de choses des institutions de l’ancienne France, mais il est impossible d’y chercher un idéal de félicité que les conditions de l’existence moderne auraient détruit. Il y avait, sans doute, des années de prospérité, bien que les conditions de la vie générale y fussent d’une simplicité qui déconcerterait fort nos habitudes de mollesse ; mais il y avait aussi, comme on va le voir, des années singulièrement dures où les plus haut placés n’échappaient pas aux souffrances.

Ce fut dans la nuit des Rois que le froid prit subitement avec une intensité qu’on n’avait pas vue depuis un siècle. En quelques jours, le thermomètre descendit à une température équivalente, d’après les instrumens dont on se servait alors, à vingt et un degrés centigrades au-dessous de zéro. Tous les fleuves et même les bords de la mer furent subitement gelés. Au bout de dix-huit jours, la température se releva cependant, et un commencement de dégel survint ; mais ce ne fut qu’un répit, et, dix jours après, le froid reprit pour durer jusqu’aux premiers jours de mars, avec chute de neige et vents impétueux, ce qui en aggravait la souffrance. Notons cependant que, si excessif que fût le froid, nous en avons connu, à une époque récente, de pareils, et que, durant l’hiver de 1879 à 1880 en particulier, le thermomètre est descendu aussi bas. Mais c’est ici qu’apparaît la différence des temps. Dans ces vieilles demeures d’autrefois dont nous

  1. Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les Intendans des provinces, publiée par M. de Boislisle.