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pendant le Caresme. « Ah ! que me dites-vous, s’écria-t-il. Voilà un trait qui me ravit ; mais ce qui me fait le plus de plaisir, c’est qu’il vient de son cœur et qu’elle veut qu’on l’ignore. »

Ainsi les malheurs publics, comme auparavant les épreuves privées, travaillaient au rapprochement des deux époux, et si la Duchesse de Bourgogne avait rendu un service signalé à son mari, celui-ci payait sa dette en lui communiquant quelque chose de ses vertus.


III

Les dures extrémités de l’année 1709 eurent une conséquence d’une tout autre nature qui dut singulièrement coûter au Duc de Bourgogne. Il désirait passionnément servir de nouveau. Ce désir remontait au lendemain de la campagne précédente, car il sentait bien que c’était pour lui la seule manière de se réhabiliter des bruits fâcheux qui avaient couru sur son compte. « J’ose assurer que je servirai si j’en ai envie, ce qui est très certainement, » avait-il écrit à Beauvilliers au sortir de sa première entrevue avec le Roi[1]. En effet, le bruit courut tout l’hiver qu’il serait désigné pour commander une des armées qui devaient entrer en campagne au printemps. « On ne doute pas présentement, écrivait Dangeau dans son Journal, le 20 décembre 1708, que Monseigneur le Duc de Bourgogne ne serve la campagne qui vient, » et Sourches, au mois de janvier 1709, enregistre le même bruit[2]. La désignation officielle n’eut lieu cependant que deux mois plus tard. Le 3 mai, le Roi déclara que Monseigneur commanderait l’armée de Flandre, ayant sous lui le maréchal de Villars, et le Duc de Bourgogne l’armée d’Allemagne, ayant sous lui le maréchal d’Harcourt. Le Duc de Berry devait accompagner son père ; le Duc d’Orléans allait commander en Espagne, et Berwick en Dauphiné. De tous les officiers ayant quelque renom, le seul Vendôme n’était pas rappelé au service. Les malveillans voulurent y voir le dernier triomphe de la Duchesse de Bourgogne, et lui reprochèrent de servir indirectement la cause de son père. C’était calomnie. Vendôme recueillait tardivement le fruit de ses fautes. On se souvient de l’acharnement avec

  1. Le Duc de Bourgogne et le duc de Beauvilliers, par le marquis de Vogüé, p. 341.
  2. Dangeau, t. XII, p. 29. Sourches, t. XI, p. 252.