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Bourgogne, un si habile manège de la part d’Harcourt (si tant est qu’il nourrît les visées ambitieuses que lui prête Saint-Simon), devaient être perdus. L’entrée en campagne des armées fut retardée par les négociations qui se poursuivirent tout le printemps et jusqu’au commencement de l’été à La Haye par l’intermédiaire du président Rouillé et de Torcy lui-même, et lorsque celui-ci revint, le 1er juin, porteur des conditions insolentes et humiliantes qui déterminèrent le Roi à rompre toute négociation et à adresser un suprême appel à son peuple (nous reviendrons sur ces négociations et sur la part que le Duc de Bourgogne fut appelé à y prendre), la situation militaire et financière s’était aggravée. Déjà elle était apparue dans toute son angoisse à une sorte de conseil de guerre que le Roi avait inopinément tenu un dimanche de mai et auquel il avait Convoqué le Duc de Bourgogne, « à moins, lui dit-il un peu aigrement, que vous ne préfériez aller à Vêpres. » À ce conseil assistaient en plus de Monseigneur et du Duc de Bourgogne, Villars, Boufflers, Harcourt, Chamillart et Desmarets. Là il fut démontré, par les maréchaux appelés à commander les armées, que les troupes placées sous leurs ordres n’étaient pas payées, et que les approvisionnemens les plus nécessaires leur faisaient défaut. Avant tout, il fallait y pourvoir. « Harcourt, habile en tout, dit Saint-Simon, ne voulut point partir que très bien assuré de pain, de viande et d’argent pour son armée du Rhin. » Ces dépenses absorbèrent les dernières ressources du Trésor. Il ne restait plus rien pour les équipages des princes. Or la présence d’un prince à l’armée coûtait gros. Lors de la campagne d’Oudenarde, la table du Duc de Bourgogne était de seize couverts, plus une de dix pour son bureau, et cela paraissait peu. Qu’eût-ce été s’il avait fallu faire face à la dépense occasionnée par le séjour simultané aux armées de Monseigneur, du Duc de Bourgogne, du Duc de Berry et du Duc d’Orléans ! Il fallut y renoncer. « Le Roi, à son dîner, dit à Livry, son premier maître d’hôtel, qu’il n’avoit qu’à congédier les équipages de Monseigneur le Dauphin et de Monseigneur le Duc de Bourgogne, et que ces princes n’iroient point à l’armée cette année… Le Roi, ajoute Dangeau, veut envoyer à ses troupes l’argent qu’il auroit coûté pour le voyage de ces princes[1]. »

  1. Dangeau, t. XI, p. 430.