d’embarquement, le brouhaha des bourses, le sifflement des machines, le vacarme des grandes usines ; au lieu des bienfaits véritables dont pouvait disposer leur civilisation, les Occidentaux n’ont apporté d’abord avec eux que l’asservissement des hommes à la machine et à l’argent.
L’expansion européenne, fondée sur le commerce et aboutissant au commerce, devait nécessairement évoluer selon la loi de son origine et de sa fin ; elle devait trouver son apogée, et en même temps le commencement de son déclin, au moment où tous les grands peuples de la terre auraient adopté d’abord, fabriqué ensuite eux-mêmes, les outils, les armes, les machines et tout ce que leur vendent nos usines. Science, outillage, main-d’œuvre, capitaux, le moment vient où les peuples qui ont été jusqu’ici les cliens des manufactures européennes vont posséder et mettre en œuvre ces élémens essentiels de la production ; lorsqu’ils en seront pourvus, on les verra bientôt protéger à leur tour leur travail national par une barrière de droits de douane, comme l’ont fait les États-Unis, et ils ne tarderont guère à faire au commerce européen une concurrence d’autant plus redoutable qu’elle sera munie des derniers perfectionnemens scientifiques. Quand les États-Unis suivirent cette méthode et devinrent une formidable puissance exportatrice de l’autre côté de l’Atlantique, on s’en alarma, mais on ne s’en étonna pas : les Américains n’étaient-ils pas, eux aussi, des Européens, et n’avaient-ils pas les mêmes droits que leurs vieilles métropoles ? Aujourd’hui, la situation devient plus grave. L’Europe et l’Amérique elle-même avaient compté que le monde jaune, avec ses centaines de millions d’habitans, absorberait longtemps encore, comme une immense éponge, les produits de leurs industries ; les Etats-Unis, l’Australie fermaient leurs ports aux émigrans chinois ou japonais, mais ils exigeaient qu’en Asie, la porte restât ouverte à leur négoce et volontiers, si on eût tenté de la fermer, ils l’eussent enfoncée à coups de canon. Et voici que maintenant les victoires du Japon, le retentissement de la chute de Port-Arthur dans tout l’Extrême-Orient menacent de retourner, au profit des Asiatiques, une situation dont Européens et Américains estimaient naturel et juste de réserver pour eux seuls