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parurent un moment autoriser le langage de certains Anglicans et celui du Pape ; on sait aussi comment ces généreuses illusions furent brusquement et douloureusement dissipées, en septembre 1896, par le non possumus de la bulle sur l’invalidité des ordinations anglicanes. Cet échec amena sans doute un certain refroidissement vis-à-vis du Saint-Siège et de Rome : si l’on sentait encore, dans l’Eglise anglicane, le besoin de faire cesser son isolement et si l’on parlait toujours d’union, c’était désormais de préférence avec les Eglises orientales, séparées de Rome ; mais, pour être plus anti-papistes, les Ritualistes prétendaient n’en être pas moins catholiques.

Ce mouvement puissant ne laissait pas que d’être un peu désordonné. J’ai déjà eu occasion de noter plusieurs fois l’habitude prise par les Ritualistes de n’avoir égard à aucune autorité ecclésiastique et d’en faire absolument à leur tête. L’impunité qui leur était désormais assurée ouvrait un champ plus libre encore à leur fantaisie. Chacun se faisait son culte et aussi sa doctrine à sa guise. Il en résultait des affectations parfois puériles, des excentricités choquantes, et, en tous cas, des disparates, et, comme on a pu dire, un état de « confusion chaotique » qui n’avait rien de catholique[1]. Aussi les chefs du parti, préoccupés de ce désordre auquel ils voyaient échapper l’Eglise rivale, en venaient-ils à souhaiter l’établissement d’une « Congrégation des rites » analogue à celle qui fonctionne à Rome[2]. C’était oublier qu’il ne suffit pas d’installer un rouage ; encore faut-il avoir la force qui le met en mouvement. Dans l’Eglise romaine, cette force est l’autorité papale dont la congrégation des Rites est une émanation. Quoi de pareil dans l’organisation anglicane ?

Cette indiscipline et ces excentricités dont Pusey déjà avait été, de son vivant, si souvent offusqué, ont fait parfois juger dédaigneusement les Ritualistes. Les comparant aux Tractariens, on s’est refusé à admettre qu’ils fussent leur légitime descendance. En place du sérieux de vie, de la profondeur de croyance, de la recherche anxieuse de la vérité qui caractérisaient les premiers leaders du Mouvement d’Oxford, on a cru ne plus trouver,

  1. Des convertis, autrefois mêlés au monde ritualiste, ont raconté les bizarreries dont ils avaient été témoins. Voyez The City of Peace, ou l’Ame anglicane, par le Rev. Chapman.
  2. Communication du chanoine Newbolt, au meeting de l’E. C. U., en juin 1897.