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voix sut lancer toutes les paroles jusqu’aux plus hauts gradins des estrades bondées, fut le grave écho de la préoccupation commune ; et ses derniers mots exprimèrent avec autant de force que de simplicité le sentiment qui remplissait tous les cœurs.

« Aime ta patrie, les lieux qui t’ont vu naître, ce sol qui t’a nourri, ces champs, ce lac, ces montagnes et cette liberté, conquête de nos pères que nous voulons conserver à nos enfans[1]. »

L’émotion généreuse qui courut en cet instant parmi les spectateurs fut une belle réponse à la question posée par le journal dévot.

Ainsi, jusque dans sa dernière manifestation, cette fête issue des modestes « Parades » d’autrefois, et qui s’est développée jusqu’à devenir l’un des spectacles les plus grandioses qui soient, aura affirmé son caractère national aussi bien que son caractère populaire. Celle qui se prépare pour le mois d’août prochain sera célébrée, — autant qu’on peut le prévoir à cette heure, — dans des conditions plus tranquilles. La Suisse, en effet, se trouve en ce moment dans une heureuse période de paix publique, de prospérité, de bien-être. Les partis politiques se combattent sans haine, en discutant avec modération les intérêts ou les principes qui les séparent sans les diviser. Les questions confessionnelles sont généralement résolues dans un esprit de tolérance et d’équité qui les empêche de s’aigrir. Les industries progressent d’un bout à l’autre du pays : on voit certaines villes et certaines régions se développer avec une rapidité presque américaine. Seuls, par un piquant contraste, les vignerons se plaignent des maladies et de la mévente : encore la crise qu’ils subissent est-elle incomparablement moins pénible sur les bords du Léman que dans beaucoup d’autres vignobles. Les arts et les lettres, qui ont eu quelque peine à conquérir leur place au soleil du canton de Vaud, sont eux-mêmes en plein épanouissement : on l’a bien vu, il y a deux étés, au magnifique Festival vaudois de M. Jacques-Dalcroze. Le Conseil de la Confrérie, que préside M. le conseiller national Emile Gaudard, a donc trouvé sans peine un poète et dramaturge de grand talent, M. René Morax, que l’éclat de ses débuts désignait pour le livret, auquel il saura donner l’unité qui

  1. Discours adressé, par l’Abbé-Président M. Paul Cérésole, aux Vignerons récompensés.