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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/672

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où s’unissait la vivacité de la flamme avec la fraîcheur des vagues et la modulation sans fin des grèves marines.

Par-dessus les montagnes montaient des fumées violettes qui s’évanouissaient dans un ciel de pourpre et d’or, comme si, sur toutes les cimes, on eût brûlé des herbes sauvages, ou allumé des bûchers d’essences résineuses : véritables encensoirs qui enveloppaient de leurs vapeurs diaphanes les glorieux sommets du paysage !

Ce paysage, je l’embrassais tout entier, depuis le cap Ténès jusqu’au promontoire du Chénoa, avec sa mer et ses coteaux, ses reposoirs fleuris de roses, ses vignes, ses cyprès et ses pins, — toute l’élégante végétation des rivages méditerranéens. Aux deux extrémités, les pylônes du cap et le dôme du promontoire arrêtaient ma vue et l’enfermaient dans un cercle de collines harmonieusement découpées. Et cette molle campagne réapparaissait telle qu’une architecture et une plastique naturelles, aux lignes souples, et robustes, aux contours très nets et cependant si doux qu’ils semblent expirer dans la limpidité mouvante des fonds aériens et se résoudre en lumière.

Nous approchions des portes de Cherchell. Je me penchai, une dernière fois, hors de la voiture, afin de m’emplir les yeux de la brillante vision qui allait s’éteindre avec la nuit : la mer sous ses voiles mauves, que nuançait encore un peu de rose, le ciel glauque comme l’eau d’un puits envahi par les mousses, où, dans des profondeurs toujours plus sombres, je voyais trembler les gouttelettes cristallines des premières étoiles. Et je médisais qu’à mon entrée dans l’antique Césarée de Maurétanie, je ne pouvais rêver plus triomphale escorte d’images : c’était toute l’âme païenne et toute la splendeur de l’Afrique latine qui, pour moi, flottaient dans ce beau soir !

Le premier aspect de Cherchell, — il faut bien l’avouer, — n’encourage guère cette illusion. Rien de plus platement moderne, rien de plus « province, » — j’entends province française, — que cette petite ville coloniale.

Nous passons devant une mairie de construction récente, dont les murs sont complètement bariolés d’affiches électorales ; et nous nous arrêtons devant un hôtel à deux étages, tout neuf,