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du chapiteau corinthien et que je contemple une dernière fois la colonne solitaire, unique vestige du « grand temple d’albâtre » qui fut l’orgueil de Césarée.

Par une mauvaise route pierreuse, je descends jusqu’au port de Cherchell, en contre-bas de l’Esplanade.

C’est un port minuscule, — simple abri pour les barques de pêche et les bateaux de cabotage. Mais le phare dont la lanterne reluit au plus haut du môle et qui domine de sa tour un groupe de constructions massives, lui donne un certain caractère. Si restreint que soit ce port moderne, il dépasse encore en grandeur l’ancien port militaire de Césarée, qui n’occupait que la moitié de sa superficie. C’est dans cet étroit espace que se pressaient les galères de la division navale de Maurétanie, chargée de faire la police de la Méditerranée occidentale.

Ceux qui ont visité les ports militaires des villes antiques ne s’étonneront nullement de ces faibles dimensions. Celui de Carthage qui a contenu tant de flottes fameuses n’était guère plus grand. En tout cas, sa disposition était vraisemblablement identique à celle du port de Cherchell, tel qu’il existait encore au XVIIIe siècle : de vastes magasins, entourés de portiques circulaires, faisaient le tour des quais.

Ce bassin, probablement hérissé de défenses et dont l’accès était soigneusement clôturé, communiquait par un goulet très resserré avec le port marchand, d’une étendue beaucoup plus considérable. Césarée était une ville de commerce et d’exportation. Les armes figurées sur ses monnaies représentaient un dauphin et un navire. Ses vaisseaux s’aventurèrent jusque sur les côtes de l’Atlantique, abordèrent aux Açores où furent fondées pour elle des teintureries de pourpre. J’ai noté ce détail avec plaisir. En riche cité qu’elle était, Cherchell devait aimer la magnificence et prodiguer la pourpre dans ses costumes et dans ses maisons. Du moins elle pouvait se payer ce luxe, étant active et industrieuse. Ses artisans étaient nombreux et des plus habiles. Elle avait des sculpteurs, des mosaïstes, des fondeurs en argent ; elle travaillait le fer, comme toute espèce de métaux : jusqu’à la conquête française, ses forgerons sont demeurés célèbres. Elle fabriquait des lampes d’argile, des vases