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avait au Palais-Bourbon deux groupes socialistes : chacun correspondait à une des tendances que nous avons indiquées plus haut. On a décidé qu’il n’y en aurait plus qu’un, — et qu’il n’enverrait pas de représentant à la délégation des gauches. La seconde partie de la résolution était plus facile à réaliser que la première. La délégation des gauches n’a plus aujourd’hui de socialistes dans son sein ; mais combien il s’en faut que l’unité du parti soit faite, même à la Chambre ! On a voulu n’avoir qu’un seul groupe, et on en a trois, car les socialistes révolutionnaires se sont mal fondus avec les socialistes parlementaires, et entre les premiers et les seconds, il en reste tout un lot qui attend pour se rallier à ceux-ci ou à ceux-là que les vents aient pris une direction plus sûre. Le sentiment qui domine parmi les socialistes parlementaires est un mécontentement très vif des résolutions prises dans le Congrès de Paris. La participation au pouvoir, à ses faveurs qu’on distribue aux autres, à ses avantages dont on garde quelques-uns pour soi, est devenue pour eux une de ces habitudes très douces, auxquelles on a de la peine à renoncer. Le parti socialiste parlementaire, comment le contester ? est un parti bourgeois. Il en est bien un peu de même aujourd’hui du parti socialiste en général ; mais ceux qui ne sont pas encore arrivés jalousent les autres, surtout lorsqu’ils font beaucoup parler d’eux comme MM. Jaurès et Briand, et c’est là qu’il faut chercher le secret de cet effort sans cesse renouvelé vers une unité chimérique que l’on proclame toujours et que l’on n’atteint jamais.

Cette digression était nécessaire pour expliquer la situation respective des partis dans le Parlement. Nous avons dit que la délégation des gauches avait beaucoup perdu de son prestige et de son autorité. On n’a pas tardé à s’en apercevoir. Son intervention dans la discussion de l’article 6 a été le signal du plus inextricable gâchis. Autrefois, il lui suffisait de dire un mot, de faire un geste, et tout le monde obéissait. Si M. Leygues a cru qu’il en serait de même aujourd’hui, il s’est trompé. MM. Jaurès et Briand n’ont pas heurté de front, il est vrai, l’amendement que la délégation avait contresigné ; ils l’ont même accepté ; mais ils l’ont fait payer assez cher à son auteur.

Quel est donc cet article 6, autour duquel s’est livré la bataille ? Il détermine ce qu’il adviendra des biens des fabriques, soit dans le cas où la dévolution n’en aurait pas été faite dans un certain délai, qui a été fixé à un an, soit dans celui où, après ce délai, ils seraient réclamés par plusieurs associations. On se serait épargné bien des difficultés, et surtout on aurait épargné bien des obscurités à la loi,