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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/720

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si l’article, ou du moins sa dernière partie, avait été purement et simplement supprimé. Nous ne parlons pas de la première, parce qu’il fallait bien pourvoir à la situation dans le cas, d’ailleurs peu vraisemblable, où la dévolution n’aurait pas été faite dans un temps donné. Le texte primitif disait qu’il y serait pourvu par le tribunal civil, et le texte définitif dit qu’il y sera pourvu par décret. On voit déjà là la tendance, qui se développera plus tard, à substituer l’action administrative à celle du droit commun. La solution adoptée n’est pas, à notre avis, la meilleure, mais enfin il en fallait une. Seulement il ne fallait pas aller plus loin. Pourquoi prévoir des conflits qui auront d’autant plus de chances de se produire qu’on les aura en quelque sorte sollicités et organisés dans la loi ? La dévolution une fois faite, quelle que soit la manière dont elle l’aura été, tout devrait être fini pour le législateur, s’il a l’intention sincère de séparer l’Église de l’État. Mais ceux mêmes qui parlent le plus haut de la séparation et qui s’en montrent les partisans les plus acharnés ont beaucoup de peine à en comprendre les conditions, ou du moins à les admettre. Ils en reviennent plus ou moins discrètement, plus ou moins inconsciemment, au projet de M. Combes, qui consistait à faire opérer la dévolution des biens par le préfet et à la rendre toujours révocable, de telle sorte que les associations cultuelles auraient toujours été sous la tutelle de l’État. M. Leygues est de ce nombre. Son amendement a un double objet. Le premier, qui n’est peut-être pas le plus dangereux, consiste à soumettre les contestations futures à la juridiction du Conseil d’État, au lieu de celle des tribunaux civils. Le second consiste à donner au Conseil d’Etat une règle de jugement qui n’en est pas une et qui l’abandonne à toutes les suggestions de l’arbitraire, qu’elles viennent spontanément ou par transmission. C’est là ce qui est grave. L’article 4 avait dit que la dévolution des biens serait faite à une association formée conformément à l’organisation du culte à desservir : c’était pour les tribunaux une règle intelligible et obligatoire. Mais M. Leygues et ses amis, qui en avaient combattu l’introduction dans la loi, s’ils ne pouvaient plus l’en effacer, voulaient du moins en obscurcir la clarté. Ils s’en sont défendus. Ils ont soutenu que leur article 6 ne changeait rien à l’article 4. S’il en était ainsi, pourquoi n’avoir pas dit dans l’article 6 lui-même que le Conseil d’État, statuant au contentieux, prononcerait conformément aux dispositions de l’article 4 ? Au lieu de cela, on y a dit que le Conseil d’État prononcerait « en tenant compte de toutes les circonstances de fait. » Cette règle n’en est certaine-