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ment pas une. Aussi, lorsque le nouveau texte de l’article a été connu, y a-t-il eu contre lui des réclamations extrêmement vives. On ne s’est plus contenté de reprocher à M. Leygues et à ses amis d’avoir fait intervenir mal à propos la délégation des gauches ; on les a attaqués dans leur projet même. Ils en ont été troublés, et alors qu’ont-ils fait ? Ils ont présenté un article 6 bis destiné à atténuer la fâcheuse impression produite par son aîné. On reprochait à celui-ci le vague dans lequel il était resté sur les « circonstances de fait » dans lesquelles la dévolution des biens pourrait être attaquée. L’article 6 bis a énuméré ces circonstances. Ce sont : la scission dans l’association nantie, la création d’association nouvelle par suite d’une modification dans le territoire de la circonscription ecclésiastique, enfin le cas où l’association attributaire ne serait plus en mesure de remplir son objet. Il y a là une tentative plus ou moins heureuse de limiter les cas dans lesquels les biens des premières associations pourront être réclamés par d’autres ; mais, certes, il aurait bien mieux valu ne pas entrer dans tous ces détails et laisser les associations cultuelles débattre leurs intérêts devant les tribunaux de droit commun, conformément au droit commun. Encore devons-nous dire que l’article 6 bis ne s’appliquera qu’un an après la dévolution. Celle-ci pourra donc, pendant un an, être attaquée sous un prétexte quelconque, et le Conseil d’État en décidera comme il voudra. L’article 6 bis avait été repoussé d’abord par la commission et combattu par M. Jaurès ; mais enfin, de guerre lasse, on a tout laissé passer, et il n’y a eu finalement dans cette affaire ni vainqueurs ni vaincus. On a abouti, comme il arrive si souvent dans les assemblées, à une cote mal taillée.

La raison politique et le bon sens pratique ont continué d’être représentés au cours de ce débat, avec une rare éloquence, par M. Ribot qui seul paraît avoir des idées arrêtées sur une question qu’il a profondément mûrie. Il n’a pas tenu à lui que l’article 6 ne fût rejeté dans son ensemble comme inutile et dangereux. Inutile, nous avons dit pourquoi il l’était. Dangereux, il le serait déjà parce qu’il est inutile, mais il l’est aussi parce qu’il laisse planer une incertitude là où il n’en faudrait aucune. Après la séparation, les associations cultuelles devraient être des propriétaires comme les autres : avec l’article 6, elles ne le seront pas. Au fond, un assez grand nombre de députés, parmi lesquels figurent M. Leygues et ses amis, cherchent à favoriser dans l’Église catholique ce qu’ils appellent son « évolution, » sans d’ailleurs définir ce terme, si ce n’est par des exemples qui ne sont pas toujours très bien choisis. M. Joseph Caillaux n’a-t-il pas