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votée par trois Parlemens successifs. C’est à cette disposition que M. Hagerup aurait préféré avoir recours. L’action immédiate a quelque ; chose de révolutionnaire : elle consiste à voter une loi en déclarant qu’elle entrera en vigueur tout de suite, ou à une date fixe et prochaine. C’est à ce dernier procédé que le nouveau ministère et le Storthing ont eu recours, avec la ferme intention, de la part du Cabinet, de démissionner et de mettre le Roi dans l’impossibilité de trouver les élémens d’un autre, s’il opposait à la loi son veto, et, de la part du Storthing, de rendre tout gouvernement impossible.

La dépêche que nous avons publiée montre qu’on en est là. Au fond, on veut la séparation complète à Christiania, tout en conservant l’union personnelle sous sa forme la plus élémentaire, c’est-à-dire un même roi. Mais on poursuit, sur tout le reste, un remaniement radical du pacte de l’union. En Suède, la lassitude commence à conduire à la résignation. C’est là une situation fâcheuse pour les deux pays, et nous ne pouvons qu’en attendre l’issue : mais sera-t-elle aussi conforme à ses intérêts que la Norvège parait y compter ?


Les nouvelles d’Extrême-Orient nous sont arrivées trop tard pour que nous ayons pu en faire état dans cette chronique ; elles sont d’ailleurs encore incomplètes, et quelques détails ont besoin d’en être précisés ; mais il est malheureusement hors de doute que les Russes ont éprouvé un nouvel et très grave échec. On suivait, depuis plusieurs mois, la longue marche de Rodjestwensky à travers les mers ; son escadre portait avec elle le secret de grandes destinées ; aussi l’attente générale s’est-elle changée en anxiété lorsqu’on a appris que l’amiral russe avait atteint le point où le combat qu’il était venu chercher de si loin allait inévitablement éclater. Les Russes ont lutté héroïquement, mais ils ont été vaincus ; leur flotte a été en partie coulée, en partie dispersée ; l’amiral Nebogatoff a été fait prisonnier, avec plusieurs milliers d’hommes. Nous ne pouvons que répéter ce que nous avons dit après Moukden, à savoir que la guerre est virtuellement finie lorsqu’il n’y a plus d’espérance raisonnable de conjurer la fatalité et de changer la fortune. Peut-être aurait-il mieux valu qu’on le comprit plus tôt.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.