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par les familles et par l’opinion publique. » Seulement il proposait de supprimer l’exonération.


V

L’Empereur ne voulut pas prendre seul la responsabilité de ce système. Il convoqua une Haute commission, composée des personnages éminens de son gouvernement dans tous les ordres et la chargea de rechercher ce qu’il y aurait à faire pour mettre nos forces nationales en situation d’assurer la défense du territoire et le maintien de notre influence politique[1]. C’était trop de délibérans pour arriver à un résultat pratique. Ils se réunirent à Saint-Cloud et à Compiègne, et tinrent deux séances par jour. Ils n’avaient pas seulement à aviser au moyen de contrebalancer la puissance prussienne en constituant une armée plus nombreuse, ils devaient encore examiner si le système de l’exonération avait bien résolu le problème du remplacement. Le point de départ incontesté fut la nécessité de se procurer une armée d’un million d’hommes. Comment y arriver ?

Le prince Napoléon soutint avec force et éclat le système préconisé jadis par son cousin. Le maréchal Randon, persistant à ne pas croire réalisable le service obligatoire universel, proposa de ne point toucher à la loi de 1832, si ce n’est pour prendre toute la classe et la faire servir neuf ans, dont six dans l’armée active et trois dans la réserve. Ce système, que j’avais entendu exposer avec infiniment de force par le maréchal Niel chez le prince Napoléon, eût donné une armée formidable, et certainement c’était l’armée à organiser si l’on entendait vicier avec la Prusse la querelle de prépondérance. Tous les militaires adoptèrent cette combinaison, et Trochu, un coup de feu tiré pour la forme en faveur du système du prince Napoléon, s’y rallia en limitant seulement la durée du service à huit ans. Mais ce projet rencontra l’opposition acharnée de tous les membres civils du Cabinet : il n’était pas possible d’aggraver le fardeau militaire, ni d’accroître les dépenses du budget de la Guerre, encore moins de

  1. Le prince Napoléon, Rouher, Achille Fould, Chasseloup-Laubat, Vuitry, les maréchaux Vaillant, Randon, Canrobert, Baraguay d’Hilliers, Regnault de Saint-Jean-d’Angély, Mac Mahon, Niel, Forey, les généraux Fleury, Palikao, Allard, Bourbaki, Lebœuf, Frossard, Trochu, Lebrun ; les intendans généraux Barrican, Pagès.