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embrassé cette mission que l’Empereur m’a donnée, et pour laquelle il veut bien me continuer sa confiance, mission dont je crois le succès assuré, comment pouvez-vous vouloir que l’on me refuse à chaque instant les choses que je regarde comme nécessaires ? Nous avons une artillerie pour 240 000 hommes. Cette artillerie, nous pourrons l’atteler ; mais il serait souverainement imprudent de descendre au-dessous. Les forces de notre armée ont été mesurées avec soin, et il en est résulté cette conviction que notre armée, dans son état actuel, devait être respectée. Mais si nous portons atteinte à son organisation, si, dans des discussions publiques, on établit sur chaque point que telle chose, nécessaire aux yeux du ministre, n’est pas nécessaire aux yeux de l’assemblée, et puisque toutes les solutions sont prises contre le ministre de la Guerre, il y a là de grands inconvéniens. Je vous déclare qu’à chaque amendement que vous proposerez, je lutterai dans la mesure de mes forces pour vous empêcher de les accepter. »

Au sortir de ces luttes avec la majorité, il était désolé. « Ils ne voient pas, disait-il à ses aides de camp, que la Prusse, accroupie comme une panthère, guette le moment de s’élancer sur nous. » Il est regrettable que Niel n’ait pas connu les paroles de Bismarck à la tribune prussienne à propos des Hanovriens. Elles lui eussent fourni une confirmation saisissante de ses raisonnemens : « Si les Hanovriens avaient agi comme ils le devaient, ils n’auraient pas fait des économies sur la défense nationale. Une mauvaise organisation de la défense nationale porte en soi son châtiment ; pour avoir négligé cette défense, le Hanovre a perdu son autonomie, et le même sort attend tous les États qui négligeront la leur : c’est ainsi que cela se paye. »

Majorité et opposition, depuis l’événement, ont souvent essayé de s’exonérer de la responsabilité de leurs chicanes et de leurs refus de crédit, en prétendant qu’on les avait trompées, et que si on leur avait fait connaître, au lieu de les étouffer, les rapports de notre attaché militaire à Berlin, Stoffel, elles eussent été plus empressées à seconder le gouvernement. Or, les rapports de Stoffel ne disaient rien sur l’année prussienne et sa force qui n’eût été publié partout, et le discours saisissant de La Tour, dans la discussion de la loi militaire, avait produit une sensation profonde par un tableau exact de la puissance avec laquelle nous devions nous mesurer. N’a donc pu ignorer la vérité sur ce point, que qui l’a voulu. Quant aux lacunes à combler dans notre armée,