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madame, persuadée que vous en serez bien aise, car vous avez démêlé plus tôt que les autres les mérites de notre princesse[1]. »

Une singulière transformation, sous le coup des anxiétés et des épreuves, s’était en effet opérée chez la Duchesse de Bourgogne. Sans avoir rien perdu de ses grâces, elle avait acquis du sérieux, de la dignité, de la tenue. Elle en était arrivée à se faire scrupule des distractions les plus innocentes, comme de jouer au papillon, nouveau jeu récemment mis à la mode, ou d’assister à cheval à une revue, de peur qu’on ne l’accusât de ne « penser qu’à s’amuser[2]. » Peu s’en fallait même qu’elle ne fût en train de devenir un peu rigoriste, à s’en rapporter du moins au témoignage des dames de Saint-Cyr. Elle n’avait pas cessé de fréquenter la pieuse maison, mais, quand elle y venait, ce n’était plus pour se livrer comme autrefois « à des jeux de mouvement, » c’était pour assister aux offices. Aussi ne voulait-elle pas que sa présence donnât prétexte au moindre trouble ou désordre. « Un jour de fête qu’elle étoit ici, disent les dames de Saint-Cyr dans leurs Mémoires, il y avoit beaucoup de monde à la grille, qui, pour la mieux voir et les demoiselles, firent si bien qu’ils ouvrirent peu à peu les petits rideaux entièrement, les tirant avec des cannes et des éventails. Cela déplut à la Princesse, qui trouva que c’étoit trop de hardiesse. Elle alla elle-même, d’un air tout sec, refermer tous les rideaux de la grille, non seulement les petits, mais encore les grands. Chacun se retira au plus vite, bien confus. » Un autre trait va nous la montrer non moins sévère. « Un page de la Duchesse de Bourgogne ne manquoit pas d’aller à l’Église à l’heure où les demoiselles y sont, et les regardoit par la grille. Mlle de Buidbarre, fille très bien faite de taille et de visage, lui plut entre toutes les autres. Il trouva moyen de le lui faire savoir par une lettre qu’il lui écrivît et qui lui fut rendue sans qu’on le sût. Cette demoiselle, qui étoit aussi vertueuse que belle, ayant lu cette lettre, fut fort indignée et la porta à la première maîtresse, la priant de dire à ce page de n’être pas si hardi à l’avenir de lui écrire de pareilles lettres et de la regarder, ce à quoi on ne manqua pas. Le page eut une verte réprimande de Madame la

  1. Lettres de Mme de Maintenon à la princesse des Ursins, t, II, p. 262.
  2. Lettre à Mme de Maintenon, publiée dans les Mélanges de littérature et d’histoire de la Société des Bibliophiles français, année 1850.