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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/810

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Duchesse de Bourgogne, et elle ne l’amena plus[1]. » Ainsi, l’aimable princesse qui avait eu, quelques années auparavant, tant de peine à recouvrer ses imprudentes lettres à Maulevrier, réprimandait vertement un de ses pages parce qu’il s’était permis d’adresser un billet doux à une demoiselle de Saint-Cyr. Etait-elle cependant revenue elle-même de son penchant à la coquetterie, au point qu’il ne faille lui attribuer aucune responsabilité dans une aventure qui lit quelque bruit et à laquelle son nom ne laissa pas d’être mêlé ? Le lecteur en sera juge.

Le mois de janvier 1711 vit débuter à la Cour un jeune seigneur dont la première apparition fit beaucoup de bruit, et qui devait, au cours de sa vie aventureuse, en faire davantage encore. C’était le jeune duc de Fronsac, issu d’un second mariage de ce duc de Richelieu, neveu du grand cardinal qui convola trois fois en justes noces, et à propos duquel Mme de Coulanges disait plaisamment : « Si on le voyait toutes les fois qu’il se marie, on ne le quitterait jamais. » Le duc de Richelieu était un de ces amis de jeunesse à qui Mme de Maintenon demeura toujours fidèle. Aussi se montra-t-elle particulièrement bienveillante pour le jeune Fronsac lorsqu’il fut présenté à la Cour. Voici comme elle parlait de lui dans une lettre au duc de Noailles. « Il a seize ans et en paroît douze ; il est, dans sa petitesse, de la plus jolie taille du monde : un beau visage et une parfaitement belle tête ; il est des meilleurs danseurs ; il est très bien à cheval ; il joue ; il aime la musique ; il est propre à la conversation. Il est très respectueux, très poli, un tour de raillerie agréable : il est sage quand il le faut, et tout le monde le trouve tel que je viens de le dépeindre. » Et dans une autre lettre encore : « On voudroit le caresser comme un joli enfant, et je fus bien sur le point de le prendre sous le menton quand il me pria de signer à son contrat de mariage[2]. »

Dans la bienveillance avec laquelle Mme de Maintenon parle de ce joli enfant, on trouve quelque trace de ce goût pour les vauriens dont elle s’accusait plus tard dans une lettre à Mme de

  1. Mémoires de ce qui s’est passé de plus remarquable dans l’établissement de notre maison, et depuis jusqu’à présent. Ces Mémoires, rédigés successivement par plusieurs religieuses de Saint-Cyr, sont en manuscrit à la Bibliothèque du grand séminaire à Versailles. Partie en a été publiée en 1846 à Paris, chez le libraire Fulgence, sans nom d’éditeur. L’ouvrage est devenu assez rare.
  2. Mme de Maintenon d’après sa correspondance authentique, t. II, p. 270.