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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/832

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Ce sont là, grandes ou petites, des toiles de genre, sauf peut-être le Saint Etienne lapidé, gisant sous les murs de la ville, et la Vallée du Repos, ce cimetière de couvent dont Ruskin a eu soin de nous expliquer la valeur symbolique.

Le roi Copethua, de Burne Jones et, de Rossetti, l’Annonciation, la Beata Beatrix, Rosa Triplex, avec le portrait de Mrs William Morris, forment un beau bouquet d’œuvres préraphaélites. Seulement je me dis une fois de plus, devant Ecce ancilla Domini, que les frères préraphaélites, en jurant de ne jamais s’écarter de la nature, se sont terriblement écartés de la grâce spéciale qui permet de traiter les sujets chrétiens. Rien de moins religieux que l’ardente physionomie de la poétesse Christina Rossetti, soulevée à demi sur son lit avec une sorte d’égarement pour répondre au salut du robuste archange chaussé de flammes, dont la tête virile, posée sur de larges épaules, a été empruntée au sculpteur Thomas Woolner.

Saviez-vous que la sainte Monique d’Ary Scheffer fût le portrait de Mme Robert Holland ? La mère de saint Augustin et Mme Holland par le même peintre sont là côte à côte pour l’attester, et voici d’autres œuvres de chez nous, la Mort de Jane Grey, le Marché aux Chevaux. N’importe, Tate Gallery est bien, par excellence, une collection anglaise. J’y suis retournée un jour de congé pour les écoles ; des enfans du peuple s’y promenaient. Et je pensai qu’en outre des impressions d’art ils ne trouveraient rien parmi ces œuvres si nombreuses qui eût un caractère bas ou seulement sensuel. Tout y est de nature au contraire à fortifier chez eux le sentiment national. Les admirables paysages du vieux Crome, de Constable et beaucoup d’autres de mérite inégal leur font aimer les sentiers, les haies, les beautés rustiques de l’Angleterre ; d’orgueilleuses marines glorifient dans un infini chargé de navires l’empire britannique qui couvre le monde, Britannia’s Realm. Les charmans Wilkie leur montrent des sujets intimes et domestiques, des jeux rustiques, le home ; les Leslie, les Maclise et les Mulready racontent d’honnêtes et familières historiettes locales ou bien encore illustrent, pour donner envie de les lire, les chefs-d’œuvre de la littérature anglaise ; les animaux de Landseer jouent innocemment la comédie de la vie humaine. Ce vieux capitaine en retraite, de Millais, qui, sous les beaux traits de Trelawney, l’ami de Byron et de Shelley, suit sur la carte les recherches d’un voyage au pôle Nord et