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En un pesant carrosse a dû suivre à grand train
Le Roi-Soleil devant Namur et sur le Rhin.
Puis, voici les beautés d’un siècle plus frivole
Qui de galanterie et de plaisir s’affole ;
Et l’une rêve, un doigt dans quelque livre impur,
Et l’autre, près d’un paon gonflant son col d’azur,
Par caprice payen, — dont Dieu veuille l’absoudre, —
S’est fait peindre en Junon, mais en gardant sa poudre.

J’y songe. Les derniers de ces gens comme il faut,
Aux mauvais jours, ont dû mourir sur l’échafaud
Ou traîner en exil des misères secrètes.
Ce pauvre vieux, naguère officier des levrettes,
À Londres, ramassa du pain dans le ruisseau,
Et le gentil collier fait d’un ruban ponceau,
Qui pare cette enfant exquise, prédestine
Son cou si blanc à la sanglante guillotine.

L’ancien régime est mort, et tout de suite après,
Ils ont un air bourgeois et déchu, les portraits.
C’est de la grande gloire encore qu’on respire
Devant ce colonel chamarré de l’Empire
Qui porte dans son bras arrondi son colback.
Mais ensuite quel triste et piteux bric-à-brac !
Sous le Bourbon podagre à grosses épaulettes,
Le beau sexe eut vraiment de grotesques toilettes,
Et l’on ne prendrait pas pour un homme bien né
Ce pédant doctrinaire à l’habit boutonné.
Un peu plus loin, c’est vrai, l’on retrouve l’armée.
Le haut képi d’Isly, le caban de Crimée
Font plaisir. Mais que ces tableaux sont gris et froids !
Et cette clame qui, sous Napoléon trois,
Eut ce buste opulent et cette taille fine,
Est ridicule avec son ample crinoline.


Je sortis, murmurant presque un De profundis
Sur cette tombe où gît la France de jadis.