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de cartes précises pour notre littoral. Le blocus des escadres ennemies forçait nos navires à circuler uniquement le long de la côte, à l’abri des batteries de terre, et l’on s’aperçut bien vite qu’il était aussi impossible de faire des opérations navales sans cartes marines que des plans de campagne terrestres sans cartes géographiques. Aussi, dès que la paix générale fut rétablie, on s’occupa de procéder à la reconnaissance méthodique et détaillée de notre littoral. Par analogie avec le corps d’ingénieurs géographes qui s’était déjà illustré par tant de travaux cartographiques de premier ordre, on créa un corps d’ingénieurs hydrographes ; et ce fut Beautemps-Beaupré, déjà connu par ses travaux antérieurs et membre depuis 1810 de l’Académie des sciences, qui en fut l’organisateur et le chef.

Dès 1816, on se mit à l’œuvre. On commença par les abords de Brest. C’était, on peut le dire, prendre le taureau par les cornes ; car il n’y a pas sur nos côtes de parages plus difficiles, avec leurs courans violens et leurs récifs toujours battus par la grande houle de l’Océan, que l’Iroise, le Fromveur et le Raz de Sein. En deux ans, cette partie de nos côtes, si importante au point de vue militaire, était complètement levée, d’Ouessant à Penmarc’h. De 1818 à 1826, on poursuivit sans interruption lare-connaissance de toute la côte Ouest, de Penmarc’h à la frontière d’Espagne. De 1829 à 1838, ce fut le tour de nos côtes de la Manche, de Brest à Dunkerque. Enfin, de 1840 à 1845, on procéda au levé de nos côtes méditerranéennes.

Quand on réfléchit aux moyens rudimentaires dont disposait Beautemps-Beaupré : des bateaux à voiles, des embarcations de pêcheurs, avec des collaborateurs sortant de l’Ecole, ignorant tout de la marine et qu’il fallait former sur le terrain, on est émerveillé de la rapidité et de l’habileté avec laquelle opéra l’illustre hydrographe. Tout était à faire, y compris la triangulation ; car l’État-major de la Guerre n’avait pas encore poussé ses travaux de ce côté. Il mena tout de front, sondes, topographie, rédaction, découvrit d’innombrables dangers, des passes nouvelles, même aux abords de Brest, des ports nouveaux comme celui de Labervrac’h, dont il montra l’utilisation possible par des vaisseaux de ligne. Avec son admirable sens marin, Beautemps-Beaupré sut conduire son immense travail dans un esprit réellement pratique, s’attachant principalement à ce qui pouvait servir à la marine de son temps, passes, mouillages,