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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/924

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basse mer constitue une des tâches les plus ardues et les plus importantes de l’hydrographe. Dès qu’une roche est couverte de plus de deux ou trois mètres d’eau et qu’elle n’est pas signalée par ces volutes qui constituent ce qu’on appelle des brisons ou par les remous que forment les courans de marée, elle est très difficile à trouver. Sans doute, dans les mers calmes, dans des eaux limpides comme celles de la Méditerranée et des Tropiques, avec des éclairemens favorables, on peut apercevoir le fond par des profondeurs qui vont quelquefois jusqu’à 20 mètres, — rarement plus. Mais même dans ce cas, la zone de visibilité est limitée à un rayon très faible autour de la verticale ; en dehors de la verticale, on ne voit rien, même à très petite profondeur.

De plus, quelle que soit la limpidité de l’eau, dès que la mer est tant soit peu agitée, dès que la moindre brise en ride la surface, la visibilité disparaît complètement. Inutile d’ajouter que les matières terreuses ou organiques tenues en suspension qui produisent les eaux troubles des embouchures de fleuves ou de rivières que l’on trouve parfois si loin en pleine mer empêchent également de rien distinguer au-dessous de la surface. Aussi arrive-t-il très souvent que, même lorsqu’on connaît à l’avance la position exacte d’une roche par des angles ou des alignemens, on a les plus grandes peines à en trouver le sommet au plomb de sonde[1]. Il y a en effet des roches tellement pointues que le plomb glisse sur la tête et retombe à côté, de sorte que

  1. On n’a encore rien trouvé de mieux, malgré de nombreuses tentatives, pour les sondes à la mer, que l’antique appareil qui sert de temps immémorial aux marins : un plomb en forme de tronc de cône, plus ou moins volumineux suivant la profondeur à atteindre, attaché à une ligne de filin graduée. Les graduations consistent en petits morceaux d’étamine ou de luzin passés entre les torons de la ligne, de mètre en mètre ; si l’on tient à plus de précision, pour les sondes délicates, on intercale de 20 en 20 centimètres de petits bouts de cuir. Pour éviter les confusions, la couleur de l’étamine change de 5 en 5 mètres. Maniée par un bras vigoureux de gabier ou de timonier, la sonde ainsi constituée permet d’atteindre et d’apprécier exactement des profondeurs inférieures à 20 mètres, toutes celles qui intéressent la navigation. On sonde à courir, c’est-à-dire sans arrêter l’embarcation, jusqu’à des profondeurs de 10 mètres. En stoppant et en se mettant bien à pic de la ligne on peut arriver jusqu’à des profondeurs de plusieurs centaines de mètres ; mais au-delà de 100 mètres, on ne peut pas raidir suffisamment la ligne et l’incertitude peut atteindre plusieurs mètres. Pour les sondes de grande profondeur en plein océan, on se sert d’appareils différens, quoique fondés sur le même principe : un poids et une ligne ; seulement la ligne, au lieu d’être en chanvre, est en fil d’acier, en corde à piano. Au lieu d’être lancée, elle est déroulée sur un treuil muni d’un compteur qui indique à chaque instant les longueurs de fil immergé, la difficulté est de bien apprécier le moment où le poids atteint le fond.