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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/962

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convenables et honorables pour les deux parties, puisque l’une et l’autre s’en sont montrées satisfaites. Ce résultat est dû aux ministres des Affaires étrangères des deux pays, M. de Villa-Urrutia et M. Delcassé, et à leurs ambassadeurs, M. le marquis del Muni et M. Jules Cambon. Aussi leur place était-elle marquée dans les fêtes qui viennent d’avoir lieu à Paris et qui ont été si brillantes. Nous avons été heureux qu’Alphonse XIII ait été accompagné de son ministre et que, par là, son gouvernement ait été associé aux manifestations qui se produisaient autour de lui. Si elles s’adressaient directement au Roi et à son pays, les pensées se reportaient aussi, avec une sympathie respectueuse, vers la Reine mère qui a élevé son fils avec tant de bonheur et de succès. Nous espérons que le Roi gardera un aussi bon souvenir de Paris et de la France que Paris et la France le garderont de lui, et que l’amitié des deux pays en sera encore resserrée.

Les événemens se pressent, se précipitent en Suède et en Norvège : il semble bien que la séparation des deux pays ait fait depuis quelques jours un progrès décisif. Lorsque, dans notre dernière chronique, nous remontions à l’origine de la crise pour en faire mieux comprendre l’état actuel, les circonstances nous paraissaient fort graves et nous les avions présentées comme telles ; mais nous ne pensions pas qu’on irait si vite au dénouement. La Norvège est un pays très démocratique, où les résolutions s’élaborent lentement mais fortement : une fois prises, elles se manifestent tout d’un coup et il est alors bien difficile d’en changer le cours. La crise a pris en quelques heures une allure révolutionnaire. Le Storthing norvégien s’est érigé en une sorte de Convention et a érigé le ministère en Comité du salut public. Il n’en avait pas le droit constitutionnel ; mais il est des circonstances où un droit de cette nature pèse peu dans les décisions de tout un peuple, et le peuple norvégien est arrivé à un de ces momens. Qu’aurait-il fallu faire, et aurait-on pu faire quelque chose pour détourner le coup qui vient d’être porté à l’union des deux pays ? La question échappe à notre compétence. L’attitude du roi Oscar s’explique fort bien ; elle est légitime ; elle a sur celle du Storthing et du gouvernement norvégien l’avantage d’être parfaitement correcte ; mais cet avantage n’a peut-être pas un très grand prix dans les circonstances actuelles. Que peut faire un texte de loi, ou même de constitution, en face d’une révolution ?

Car il s’agit d’une révolution, et ce qui la caractérise c’est la volonté froide et ordonnée avec laquelle les Norvégiens l’accomplis-