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sent. Ils n’y mettent aucun emportement dans la forme, aucune violence, mais bien une logique implacable qui semble ne devoir reculer devant rien. Nous avons dit, il y a quinze jours, que le ministère Michelsen se proposait d’agir par l’action immédiate, en d’autres termes, par le vote d’une loi qui trancherait unilatéralement la question de la représentation consulaire distincte, et que le Roi serait mis en demeure de donner son adhésion à cette loi. On prévoyait naturellement qu’il ne la donnerait pas ; mais alors le ministère donnerait, lui, sa démission, et le Roi ne parviendrait pas à en faire un autre. Les prévisions s’arrêtaient là, les nôtres du moins. Tout s’est passé conformément à ce programme. Le Storthing a voté la loi consulaire à l’unanimité, dit-on, en tout cas à une majorité qui en approche et qui y ressemble moralement. La ratification royale a été sollicitée et refusée. Les ministres ont démissionné. Qu’allait faire le Roi ? Il a refusé d’accepter la démission des ministres, et peut-être a-t-il eu le tort d’en donner publiquement la raison véritable, à savoir qu’il lui était impossible d’en trouver d’autres. Le Storthing n’a pas hésité. Il a déclaré que, puisque le Roi se reconnaissait lui-même dans l’impossibilité d’exercer sa fonction constitutionnelle, celle-ci devenait vacante par la force des choses, et que, comme un pays ne pouvait pas rester sans gouvernement, le Conseil des ministres en exercerait les pouvoirs à titre provisoire. Du même coup, la rupture de l’Union était prononcée. La Norvège et la Suède devaient faire désormais deux royaumes distincts, ce qui résolvait une fois pour toutes et d’une manière radicale, non seulement la question de la représentation consulaire, mais celle de la représentation diplomatique.

Nous avions cru qu’on s’en tiendrait là, et que, s’il devait y avoir deux royaumes, il n’y aurait du moins qu’un seul roi : c’est ce qu’on appelle l’union personnelle. Mais les Norvégiens ont peut-être craint qu’on ne leur opposât encore l’objection qu’avec un seul roi, on n’avait pas besoin de deux représentations à l’étranger, et ils ont décidé qu’il y aurait deux rois comme deux royaumes. La seule concession qu’ils ont faite a consisté à demander au roi Oscar un de ses fils sur la tête duquel il placerait la couronne de Norvège, car ils n’en veulent, disent-ils, ni au Roi, ni à sa dynastie. Loin de là, ils gardent un grand respect pour la maison royale de Suède et ils le prouvent à leur manière ; mais on comprend que le roi Oscar en apprécie médiocrement le formalisme déférent. Il proteste avec énergie contre la prétention du Storthing norvégien de régler à lui seul des questions qui doivent être aussi soumises au Riksdag suédois, et qui ne peuvent