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pour proposer le rejet de la loi et le maintien du système protecteur de l’arbitraire administratif : « Pour qui donc faisons-nous la loi ? la majorité ne l’a point réclamée, l’opposition la combat à outrance ; est donc une conception purement utopique, à laquelle manquent le vœu de la majorité, la gratitude de l’opposition et les aspirations claires et nettes du pays. (Approbation.) Je sais bien que la France des paysans, celle du suffrage universel, qui ne se soucie pas de cette loi, pour ces messieurs, c’est la France des imbéciles. (Rires. Très bien ! ) Je le dis en toute humilité, j’aime mieux être avec les imbéciles qui sauvent l’ordre qu’avec les savans qui le troublent. (Nouvelles marques d’approbation.) Il y a depuis trois jours une nouvelle intervention de rôles que je ne puis, ni ne veux, ni ne dois accepter. Comment ! j’ai pratiqué, servi, honoré la presse toute ma vie, et c’est moi qui suis son adversaire ? Et l’honorable M. Thiers qui a fait la loi de Septembre, c’est-à-dire le régime le plus odieux qui ait jamais été imposé à la presse, c’est lui qui est le patron de la presse ? Comment ! j’ai toute ma vie servi, honoré, pratiqué la presse, et c’est M. Jules Favre, un homme de 1848, de ce régime qui a foulé la presse aux pieds, qui l’a supprimée en un quart d’heure, qui est le patron de la presse ! ! ! allons donc ! » (Applaudissemens sur quelques bancs. Murmures sur les bancs de la Gauche.) L’orateur expliqua que la loi troublerait la société et donnerait aux adversaires du gouvernement une force nouvelle. « Croyez-vous de bonne foi que les concessions que vous offrez aux journaux des anciens partis soient de nature à leur persuader de rallier aux institutions impériales cette clientèle qu’ils n’ont conservée qu’à la condition d’attaquer ces institutions ? (Mouvemens divers.) Cette presse tournera contre le gouvernement les forces que vous lui aurez données, et c’est si naturel que vous n’aurez pas même le droit de vous en plaindre (Mouvement.) Si les lois sévères n’ont pas protégé la société, une loi débonnaire, une loi soliveau ne la protégera pas davantage, (Mouvemens en sens divers.) Je demande que le gouvernement conserve et applique avec modération, comme il la fait, le décret du 7 février 1852. Ce décret a protégé la France et la liberté pendant seize années, il les protégera encore ; il est sanctionné par l’expérience et accepté par le pays. Oui, il protégera encore notre pays, surtout s’il est appliqué avec cet esprit d’impartialité et de libéralisme dont la pensée même du projet actuel est un éclatant