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Il faut, pour éclairer complètement cette application, ajouter encore quelques indications essentielles. La plus utile de ces notions est relative au rôle de l’eau dans l’ionisation. A la vérité, l’eau, qui est le solvant nécessaire des électrolytes, n’est pas considérée elle-même comme un électrolyte. Il s’agit, bien entendu, de l’eau tout à fait pure.

Si l’on prend de l’acide chlorhydrique pur, liquéfié, sans eau, que l’on y plonge les deux électrodes d’une pile, le courant ne passe pas. Que l’on opère de même avec l’acide acétique pur, le courant ne passe pas davantage. Ces acides ne deviennent électrolytes qu’au moment où l’eau intervient pour les dissoudre ; l’eau est la condition de leur faculté de conduire l’électricité et de leur décomposition en ions : plus l’eau abonde, plus ces phénomènes s’accentuent : la conductivité électrique et la dissociation en ions augmentent avec le degré de dilution. Si l’on opère de même avec l’eau pure, que l’on y plonge les deux électrodes d’une pile, il n’est pas tout à fait exact de soutenir que le courant ne passe pas : il passe un peu ; l’eau est un très mauvais conducteur, mais elle est un conducteur, ce qui revient à dire qu’elle contient un petit nombre de molécules dissociées en ions H et OH. Le physicien allemand Kohlrausch a étudié la conductivité de l’eau, à son plus grand degré de pureté : il a trouvé un chiffre très faible, mais appréciable. De cette mesure de conductivité on peut déduire la proportion relative de Ta partie dissociée : on trouve ainsi que dans cent mètres cubes d’eau, les ions hydrogène libres forment un poids égal à 7 milligrammes. L’eau est donc faiblement dissociée en ions il et en ions OH.

Les physico-chimistes ont simplifié et perfectionné au plus haut degré les mesures de conductivité électrique ; ils en ont popularisé la pratique dans les laboratoires de chimie et dans ceux de biologie. Ces déterminations qui dépassent en sensibilité les dosages chimiques les plus délicats fournissent des renseignemens précieux : elles permettent, par exemple, de juger du degré de pureté de différentes substances, ou bien encore, de mesurer la solubilité de matières très peu solubles. Appliquées à la théorie des ions, les déterminations de conductivité ont fourni un moyen de connaître le degré d’ionisation des diverses solutions d’électrolytes, acides, bases et sels.

Ces résultats ont servi à établir pour les trois espèces de corps une classification qui exprime la dissociation plus ou moins profonde qu’ils éprouvent du fait de leur dissolution dans l’eau.

Les corps les plus complètement dissociés sont les sels neutres, les acides forts et les bases fortes. Les sels tiennent la tête. Les sels à ions