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REVUE MUSICALE


THÉÂTRE DE L’OPÉRA : Reprise de l’Armide de Gluck. — THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE : Chérubin, « comédie chantée » en trois actes ; paroles de MM. Francis de Croisset et Henri Caïn, musique de M. Massenet. — Musique d’Allemagne et d’Italie.


La reprise, ou plutôt, — pour les gens de notre génération, voire de la précédente, — l’apparition d’Armide à l’Académie nationale de musique est déjà loin de nous. Mais du chef-d’œuvre même, de l’esprit qui l’anime, du style qu’il comporte et qu’il commande, il nous souvient encore que l’exécution générale s’éloigna sensiblement.

Seul des trois principaux interprètes, le moindre par le rôle et, par le mérite, le plus grand, M. Delmas, a su, dans le personnage d’Hidraot, chanter cette musique, et la parler aussi. Mais Renaud, mais Armide elle-même ignorent l’un et l’autre secrets. Pour le timbre et pour l’émission, pas une voix de ténor n’est comparable à celle de M. Affre. Chaque fois qu’on a l’occasion de l’entendre, on est tenté de demander, comme en jouant « aux petits jeux, » à l’artiste qui la possède : « Où la placez -vous ? » Elle a, cette voix, quelque chose de plat et de sec. Elle vient du nez, ou du palais, et ne va point au cœur. Elle donne le charme, la poésie et la sonorité phonographique aux deux adorables airs du héros : « Plus j’observe ces lieux, » et : « Allez, éloignez-vous de moi ! » dont la commune beauté consiste dans la grâce nonchalante, dans la souplesse et la sinuosité des contours, ou plutôt des détours mélodiques et mélodieux.

Pourquoi la belle et sombre cantatrice qui « fait » Armide, la fait-elle non seulement aussi sombre, mais presque maussade ? La passion ou l’humeur tragique est autre chose que la mauvaise humeur. De