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Nous ne posons de question que sur ce point de détail ; sur le projet de loi lui-même, il n’est pas douteux que le vote du Sénat sera pour la séparation. S’il ne vient à la traverse aucun de ces événemens qui échappent à la prévision humaine, on peut considérer la séparation de l’Église et de l’État comme acquise. Il a suffi que quelques hommes énergiques la voulussent, pour l’imposer aux autres qui n’en voulaient pas. C’est à peine si elle a été combattue à la Chambre dans son principe ; les quelques orateurs qui l’ont fait ont parlé éidemment pour l’honneur, sachant fort bien qu’ils allaient à un insuccès certain ; et, ces rites une fois accomplis, la Chambre n’a plus discuté que sur la manière dont elle s’y prendrait. La forte majorité qu’elle a finalement donnée à la loi accélère encore et précipite le mouvement : le Sénat n’essaiera pas de l’arrêter. Tout ce qu’on peut lui demander est de maintenir dans la loi les dispositions libérales qui y ont été introduites par la Chambre, et enfin d’en écrire le texte correctement. L’avenir est très obscur. Il est impossible de prévoir si le pays s’habituera peu à peu à la séparation et en prendra son parti, ou si, au contraire, le désordre matériel et moral qui en sortira n’obligera pas, un peu plus tôt ou un peu plus tard, le gouvernement de la République à négocier un nouveau Concordat. Le plus sage, certes, serait de s’entendre dès aujourd’hui avec le Vatican pour l’application d’une loi qu’on a eu le tort de faire complètement en dehors de lui ; mais nous ignorons quelles dispositions on trouverait à Rome, et il est d’ailleurs fort à craindre qu’on ne soit, pour le moment, très éloigné à Paris de toute conversation de ce genre. L’épreuve de la loi sera donc faite : le sort en est jeté.

À la suite des élections qui ont eu lieu aux Pays-Bas, le 16 et le 28 juin dernier, pour le renouvellement de la seconde chambre, M. le docteur Kuyper a donné sa démission. Rien ne l’y obligeait peut-être, car la majorité de la nouvelle assemblée n’était que de 4 voix — 52 contre 48 — de sorte qu’un léger déplacement aurait pu la faire passer de gauche à droite. Enfin M. Kuyper avait pour lui la première chambre. Mais il a cru sans doute qu’après avoir exercé le pouvoir pendant quatre ans avec la plus grande vigueur, il devait regarder comme décisif le léger échec électoral qu’il venait d’essuyer et laisser le champ libre à ses adversaires. Qui sait même s’il n’a pas pensé qu’avec une majorité aussi faible et peut-être aussi instable, un gouvernement libéral devrait avoir de grands ménagemens envers la minorité et les idées qu’elle représente, de sorte que sa retraite pré-