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qualifier ainsi les bâtimens du type Matsoushima[1], les héros du Yalou, armés de canons de 32 centimètres, un ancien cuirassé chinois, le Chin-Yen, refondu depuis 1897, 12 croiseurs protégés au moins, sans parler d’auxiliaires dont le nombre n’est pas connu, et un nombre considérable, une quarantaine, dit-on, de contre-torpilleurs ou torpilleurs de haute mer.

On le voit, l’appoint des deux grands croiseurs cuirassés (Rossia et Gromoboï) de Vladivostock, du croiseur Bogatyr et d’une division de contre-torpilleurs qu’on eût trouvés dans ce port, n’était certes pas à négliger.

Mais il y a une considération plus importante encore peut-être : partis des ports russes depuis plus de six mois, les bâtimens de la flotte de la Baltique avaient des œuvres vives très sales, dont la résistance diminuait leur vitesse d’une manière très sensible. Ne disons rien des appareils moteurs et évaporatoires, mais il est clair qu’au seul point de vue du nettoyage des carènes, il y avait, pour le commandant en chef russe, à toucher enfin une base d’opérations sérieuse, la plus urgente nécessité, — et cela d’autant mieux que ces mêmes six mois avaient été employés par l’adversaire, il le savait, à remettre ses navires en partait état. Le développement des phases de l’action tactique, les 27 et 28 mai, allait montrer de quel poids pouvait peser dans la balance l’avantage de la vitesse.

Ce n’est pas tout : rechercher le combat, à partir du moment où l’on terminait le dernier ravitaillement en combustible, celui des îles Saddle, c’était évidemment s’engager dans la mer du Japon et risquer, — ce qui est arrivé d’ailleurs, — de rencontrer la flotte de l’amiral Togo dans l’un des deux détroits que commande le groupe des îles Tsoushima. Or personne ne pouvait ignorer dans l’état-major de l’escadre russe que les Japonais ont depuis longtemps créé et organisé avec beaucoup de soin, dans la principale de ces îles, un poste de torpilleurs défendu par de sérieuses batteries. Rien ne pouvait être plus imprudent que de côtoyer ce nid de guêpes. Appuierait-on à droite pour l’éviter ? On tombait sur la côte japonaise et l’on se trouvait dans le rayon d’action immédiate du grand port de guerre de Sasébo, base de toutes les opérations navales depuis seize mois. Passerait-on au contraire dans le détroit occidental et le long de la Corée ?

  1. Construits il y a quelque quinze ans sur les plans et sous les yeux d’un ingénieur français bien connu, M. Bertin.