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et sur la tactique particulière des différentes armes[1]. Serons-nous plus heureux si, pour conclure, nous poussons nos recherches du côté de l’architecture navale, si nous essayons de tirer de la plus grande bataille qui ait été livrée sur mer depuis cent ans quelques indications sur ce que doit être le navire de combat de l’avenir, ou seulement sur les modifications qu’il conviendrait de faire subir au type actuel ? Peut-être. Ne nous attendons cependant à aucune révélation extraordinaire, à aucune marque certaine de l’approche d’une révolution dans l’art de la guerre maritime.

Qu’il apparaisse de plus en plus nécessaire, en effet, après Tsoushima, que l’unité de combat réunisse la triple puissance de l’armement, de la protection et de la mobilité, c’est ce dont il est difficile de douter, mais ce dont la plupart des marins déjà ne doutaient guère. Tout au plus, — nous nous sommes attaché à le montrer, — l’élément vitesse, facteur tactique de la mobilité, est-il apparu, dans la bataille du 27 mai, plus complètement en relief que dans les rencontres précédentes. Mais cela même n’était point inattendu. Quelques-uns l’avaient expressément prévu et avaient fait, dans la balance des facultés qu’ils rêvaient pour leur unité de combat idéale, une part beaucoup plus importante qu’autrefois à celle de ces facultés qui donne toute leur valeur aux deux autres, qui permet de refuser ou d’imposer le combat, qui permet, en tout cas, d’en régler les conditions. Plus clairement, plus sûrement qu’il y a quelques mois, lorsque nous demandions dans cette Revue[2] la construction de bâtimens rapides (23-24 nœuds) de 14 000 à 15 000 tonnes, cuirassés sans exagération et armés de douze ou quatorze de ces 240 nouveaux que nos artilleurs estiment égaux en puissance balistique aux 305 ordinaires, nous concevons l’unité de combat de l’avenir sous la forme, sinon d’un très grand croiseur blindé (abandonnons ce vocable de croiseur qui indispose beaucoup de vieux

  1. Pour être complet, il faudrait parler des projecteurs de lumière électrique, qui semblent avoir servi les escadrilles japonaises plus encore que les vaisseaux de Nebogatof, — et cela encore était prévu ! Il faudrait parler aussi de la télégraphie sans fil dont l’amiral Togo sut, seul, se donner les avantages. Les Russes avaient cependant des appareils Marconi et ils auraient pu en user tout au moins en lançant des ondes susceptibles de « brouiller » les dépêches des éclaireurs japonais. Mais dans quel état étaient ces appareils et avait-on le personnel technique nécessaire pour les entretenir, les réparer au besoin ?…
  2. Voyez, dans la Revue du 15 août 1903, les Évolutions d’escadre et la tactique des flottes modernes.