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Qu’on veuille bien le remarquer, ce n’est pas la puissance absolue de l’engin qui est en cause ici : cette puissance formidable est hors de discussion, comme celle de la mine sous-marine, comme celle de l’éperon — et, en somme, la torpille automobile est un éperon lancé en même temps qu’une mine qui marche. Malheureusement le mode d’emploi de l’engin n’est pas à la hauteur de l’engin lui-même et en diminue singulièrement l’effet utile. Il n’en sera pas de même quand les sous-marins seront devenus assez rapides, assez autonomes, et qu’ils y verront assez clair pour attaquer en pleine mer des bâtimens en marche à bonne vitesse. Il n’en serait pas de même, dès maintenant, s’il se produisait encore des engagemens à très courte distance, des « mêlées » de cuirassés, comme à Lissa, puisque chacune de ces unités de combat est armée de cinq à six tubes lance-torpilles. Et il est même assez intéressant de noter que ce serait lancée par le « mastodonte » et non pas par le « microbe » que la torpille aurait le plus de chance de donner toute sa mesure : « Il n’y a pas d’armes des faibles, disions-nous ici même, il y a quelques années, et toutes les armes profitent au fort. » Cela reste toujours vrai ; seulement, si le faible est inventif, — il l’est souvent de par la nécessité, l’ingénieuse, — et si, en même temps, il est avisé et résolu, il saura saisir l’occasion de faire sentir au fort tout le poids d’une arme inconnue jusque-là et lui infliger la surprise d’une tactique nouvelle.

Quoi qu’il en soit, rien de semblable à Tsoushima, où il n’y avait d’inégalité, en ce qui touche la torpille automobile, que dans le nombre des torpilleurs. Et, si l’on peut dire que l’emploi en masse de ces petits bâtimens était pourtant une nouveauté, il faut reconnaître en même temps que cette tactique, si bien appropriée aux caractères particuliers du champ de bataille et aux circonstances de la lutte, avait été depuis longtemps préconisée en Europe[1].


VII

Nous n’avons donc rencontré jusqu’ici aucun enseignement vraiment nouveau dans nos réflexions sur la tactique générale

  1. Nous l’appliquons d’une manière courante, en prononçant surtout les assauts contre les bâtimens de tête et de queue (ainsi que l’ont fait les Japonais), dans nos grandes manœuvres navales et même dans les manœuvres particulières des défenses mobiles des ports et des escadres permanentes.