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et creuser plus profondément ; on pourra, sur d’autres, discuter quelques-unes de ses conclusions ; dans l’état actuel des faits connus et des textes, il sera difficile de ne pas lui donner le plus souvent raison et de ne pas reconnaître presque toujours la sagesse de ses interprétations. Et comme d’ailleurs il nous fournit tous les moyens de vérifier ses dires, cet excellent travail demeure comme le point de départ à peu près indispensable de toutes les études ayant Pascal pour objet.

Nous n’en dirons pas autant du livre que M. Souriau a consacré à Pascal dans la Collection des classiques populaires[1]. Non qu’il n’y ait dans ce livre une étude fort consciencieuse du sujet, un vif et louable désir d’impartialité, et, çà et là, des renseignemens et des observations dont on peut faire son profit. Mais l’auteur y soutient, avec plus de fracas que de méthode, une thèse qui paraît bien paradoxale. M. Souriau a fait une découverte : il a trouvé que Pascal était janséniste, et c’est par le jansénisme qu’il explique tout Pascal, et en particulier les Pensées. Il ne va pas « jusqu’à dire que, si Pascal avait eu le temps de parfaire son ouvrage, toute la fin eût été comme une suprême Provinciale, » et il convient que « ce serait une pure hypothèse en l’air. » Mais, en fait, il n’établit pas une très grande différence entre les Provinciales et l’Apologie ; il écrit en propres termes : « Les Pensées sont surtout une exposition du jansénisme exaspéré, un nouvel Augustinus revu et considérablement aggravé ; » il déclare, — car il a le style volontiers imagé, — que « le pascalisme s’éloigne autant du christianisme que le soleil d’hiver, vu au travers des brouillards de la Normandie, diffère du plein soleil du Midi, en été. » En un mot, il fait des Pensées, pour une large part, une pure et simple reprise des Provinciales. Et il aboutit à cette éloquente conclusion : « A la reconstitution traditionnelle de l’Apologie, qui en faisait une superbe église gothique, originale, audacieuse, illuminée par de larges et éclatantes verrières, grande ouverte à la foule des fidèles, qu’elle appelle par le chœur de ses cloches sonnant gaîment à toute volée, je propose de substituer la vision suivante : le monument achevé se dresse devant nous, formidable, comme une abbaye du moyen âge : moitié temple et moitié forteresse. On prie à l’intérieur, dans des cryptes où d’étroites ouvertures, meurtrières plutôt que fenêtres,

  1. Pascal, par Maurice Souriau, 1 vol. in-8o, Paris, 1897 ; Société française d’imprimerie et de librairie.