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LES VILLES AFRICAINES

III[1]
CONSTANTINE

Elle s’est d’abord appeler Cirta, — nom punique[2] qui signifie la ville. Elle a connu tous les maîtres, adoré tous les dieux. Elle a été phénicienne, carthaginoise, romaine, byzantine, arabe et turque : aujourd’hui, la voici française, — étiquette fictive qui déguise un fond de population en majorité italienne, maltaise et même espagnole. Elle a élevé des temples aux Empereurs, après en avoir élevé à Tanit et à Baal-Hammon : maintenant, elle a des mosquées, des synagogues et même une cathédrale catholique, sous l’invocation de Notre-Dame-des-Sept-Douleurs. Cependant, à travers tous ces changemens de fortune, malgré l’empreinte de toutes les civilisations qui l’ont conquise tour à tour, elle a gardé une physionomie tellement personnelle, tellement irréductible qu’il suffit de l’avoir vue une fois pour ne plus l’oublier. Il n’y a que Tolède qu’on puisse lui comparer ! Et encore l’antique capitale des rois goths, désertée de la vie moderne, caduque et comme écroulée sous la pompe de ses ruines, n’a pas l’animation et la couleur, l’ardeur belliqueuse et tragique, le profil sauvage, la hauteur cyclopéenne de la ville africaine.

Si l’on veut recevoir de Constantine l’impression la plus singulière et la plus saisissante, il faut l’aborder par sa façade septentrionale : prendre la route de la Corniche, ou la route de

  1. Voyez la Revue du 1er juin et du 1er juillet.
  2. C’est seulement au IVe siècle qu’elle prit celui de Constantine, par reconnaissance pour l’empereur Constantin qui la réédifia, après qu’elle eut été saccagée par les rebelles de Maurétanie.