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d’exploitation, ses olivettes, ses vignobles et ses troupeaux ! Plus loin, ce sont les opérations de la douane : un navire portant des saumons de métal est amarré dans le port ; des manœuvres le déchargent, tandis qu’à côté, les employés du fisc sont occupés à peser la marchandise. Plus loin encore, c’est un banquet par petites tables, avec un orchestre au centre, des danseurs, des jongleurs, des joueurs de flûte et de crotales… Cela se déploie sur les murs comme de grandes fresques, dont les couleurs heurtées et le dessin brutal appellent le plein air et le plein midi des soleils africains !

Ce musée, si rempli qu’il soit de dépouilles archéologiques, est cependant loin d’épuiser tous les débris que les fouilles ont ramenés à la lumière. Pour comprendre combien ces régions étaient devenue grecques ou romaines, il faut parcourir le pays entier, depuis Madaure et Sicca Veneria jusqu’aux syrtes de la Tripolitaine. Les Arabes n’y ont apporté que leur misère et leur barbarie. Voilà quatorze siècles qu’ils l’occupent, et ils n’y ont rien construit que des masures ou des bâtisses grossièrement utilitaires. Au contraire, la tradition latine, si longuement interrompue, y est partout inscrite en traits ineffaçables. Le moindre effort a suffi pour la renouer. Partout les ruines antiques semblent y amorcer une civilisation qui procède des mêmes origines : Utique, Hadrumète (la Sousse moderne) sont pleines de vieilles pierres qui témoignent pour nous. Dougga a son théâtre et son temple de Jupiter Capitolin ; El-Djem a son amphithéâtre, presque aussi vaste que le Colisée de Rome ; Gigthi, qui sort peu à peu de ses décombres, avec ses arcs de triomphe, ses thermes, ses villas, son forum, ses petites rues tortueuses, promet une nouvelle Pompéi africaine, — plus ancienne et plus diverse que Thimgad !

Malheureusement tout cela gît dans la poussière, tout cela est mort ! Il faudrait le génie d’un Flaubert pour ranimer ces ossemens de villes !…

Il est quelqu’un, pourtant, dont les livres peuvent servir de vivans commentaires à toute cette archéologie glacée : c’est Apulée, le romancier de l’Ane d’or, l’auteur des Florides, de l’Hermagoras et d’une infinité de compilations. Pour moi, je ne