Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 28.djvu/865

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tournaient déjà à l’aigre. Le décret de 1835, aux termes duquel le ministre d’État norvégien, ou un autre ministre norvégien, devait être présent au conseil ministériel[1] suédois lorsqu’un rapport sur les affaires diplomatiques norvégiennes était soumis au Roi, ce décret détendit heureusement la situation ; et, bien que le Storthing, remerciant le Roi de ce progrès, y voulût voir surtout une disposition préparatoire à des réformes plus complètes, on s’en contenta durant un demi-siècle.

Ce fut la revision de la constitution suédoise, en 1885, qui, selon les meilleurs auteurs norvégiens, vint tout gâter. Cette revision enlevait au roi de Suède la direction personnelle des affaires diplomatiques suédoises pour la confier exclusivement au ministre suédois des Affaires étrangères ; mais comme, dans la pratique, ce ministre suédois était en outre chargé des affaires diplomatiques norvégiennes et des affaires diplomatiques de l’Union, il résultait de la revision constitutionnelle un nouvel avantage pour la Suède, au détriment, — en raisonnant au point de vue étroitement norvégien, — de la Norvège et de l’Union elle-même. La part de l’élément suédois augmentait, et la Norvège estimait qu’on forçait la dose. Elle réclama. On ne peut pas dire que ses récriminations ne furent pas écoutées, mais elles ne furent pas accueillies : il y avait de part et d’autre trop d’acrimonie pour qu’il fût possible d’aboutir à une entente; et, ni en 1885-1886, ni en 1891, ni en 1895, ni en 1898, malgré les grands « comités unionnels » institués à l’imitation de ceux de 1844 et de 1867, on ne réussit à tomber d’accord.

Que revendiquait la Norvège ? Tout simplement l’égalité des deux royaumes dans la direction des affaires étrangères. « Les affaires norvégiennes seraient traitées par le ministre des Affaires étrangères de Norvège, les affaires suédoises par celui de Suède, et les affaires communes des deux pays par les deux ministres

  1. « Dans certains cas, le ministre des Affaires étrangères devait faire un rapport sur les affaires extérieures à un Conseil dit « ministériel, » composé, avec le ministre des Affaires étrangères, d’un seul ministre suédois… En vertu de la revision constitutionnelle de 1885, le premier ministre suédois fut nommé troisième membre permanent du Conseil ministériel dans lequel doivent se discuter les affaires diplomatiques ; et la place de la Suède dans l’Union en fut élargie d’autant. » — Voir Fridtjof Nansen, la Norvège et l’Union avec la Suède ; 1 vol. in-12, 1905, Juven. En Suède, on déclare volontiers « inconstitutionnel et illégal » le décret de 1835 donnant à un ministre norvégien le droit d’assister au « Conseil ministériel » pour les affaires étrangères. Voyez L’Union entre la Suède et la Norvège, extrait du Nya Dagligt Allehanda, de Stockholm ; une brochure in-8o, Per Lamm.