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intelligens de celles qui sont là se fixent sur moi. Nous causons. Je ne sais pas si le surmenage préliminaire existe ici pour les études médicales ; on jurerait le contraire à voir ces physionomies : rien de fatigué, même à cette fin d’année, l’esprit alerte, saisissant vite. Leurs études théoriques sont très facilitées par l’ « école de médecine pour les femmes, » la clinique leur est enseignée ici même, dans les différens services de cet hôpital où elles sont chez elles. Pas d’étudians. Je leur dis que, chez nous, l’enseignement universitaire est mixte. « How dreadful ! » s’écrie l’une d’elles… « Quelle horreur ! »


L’hôpital Saint-George est au cœur de Londres. En face de Hyde Park, entre Knightsbridge et Piccadilly, un vaste bâtiment dont la façade sévère, noircie par le temps et la fumée, offre un amer contraste avec les ombrages voisins. Antithèse éternelle de richesse et de misère, c’est là que les équipages fringans sortent de la promenade favorite et chaque jour les invraisemblables panaches des belles Londonaises doivent défiler devant ce sombre témoin.

J’ai franchi ce seuil, aujourd’hui, et visité tout l’hôpital, avec son école de médecine annexe, fort gracieusement conduite là par le docteur E…, l’un des médecins en chef. Les services sont bien tenus : moins de fleurs qu’au Royal Free, mais le confortable général semble égal, sinon supérieur. On est certainement plus riche ici. Le coût journalier d’un malade est très élevé : il a atteint l’année dernière 7 shillings 9 d. par jour, soit 10 fr. 20, chiffre incroyable si l’on ne savait que plusieurs services ayant été fermés pour cause d’amélioration, les dépenses d’administration et frais généraux ont dû se répartir sur un nombre plus restreint d’hospitalisés. Cependant, la dépense est encore excessive, il faudrait faire une moyenne avec les autres hôpitaux pour en bien juger. Au Royal Free, on ne dépasse pas 4 fr. 70. Ces deux termes sont les extrêmes opposés dans l’échelle statistique.

Nous avons parcouru tous les services, bien que l’heure matinale y fût peu favorable. Au moins me fait-elle juger de la décence apportée en tout ce qui concerne le soin des malades. C’est l’heure des pansemens. Pendant tout le temps nécessaire, des paravens faits de toile, tendue sur des montans de bois, sont déployés autour des lits, partageant ainsi les salles en petites chambres isolées, où infirmière, malade et médecin sont seuls.