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C’est, vous le déclarez très nettement, la lecture d’une circulaire du Comité de défense des intérêts nationaux et de conciliation internationale qui a soulevé dans votre cœur l’indignation sous l’influence de laquelle vous avez cru devoir vouer à l’exécration publique ce que vous appelez obligeamment les mensonges du pacifisme : lisons (vous ne mâchez pas le mot en déclarant plus loin : ils mentent) les mensonges des pacifiques.

Je pourrais, si je ne songeais qu’à moi, me borner à vous faire observer, sans discuter ni cette circulaire, ni les réflexions qu’elle vous a inspirées, que je ne la connais, comme vous, monsieur, que par l’exemplaire que, comme vous, j’en ai reçu ; et que je n’ai, à aucun degré ni à aucun moment, été appelé à en inspirer ou à en contrôler les termes. Mais je n’ai nulle envie de me dérober. Et puisque c’est à l’occasion de ce document, accessoire et extrinsèque, que la doctrine pacifique elle-même et la personne de ses représentans sont mises en cause, je ne crois pas possible de me dispenser d’examiner avec vous, très sommairement, la solidité et la valeur des griefs que vous articulez.

Le premier et le principal, celui qui, à vrai dire, les comprend tous, c’est que prêcher l’amour de la paix ou, ce qui revient au même, la haine de la guerre, c’est méconnaître à la fois la nécessité et la puissance fortifiante de la lutte, non moins nécessaire et féconde pour les sociétés que pour les individualités. C’est consentir à l’abaissement des caractères, et tenir, sous des noms trompeurs, école de lâcheté. C’est affaiblir, en soi et autour de soi, le ressort sacré de l’énergie et du dévouement. C’est nier, avec la haute noblesse des vertus militaires, enfin, la sublimité du sacrifice, et encourager, contre l’armée, gardienne de l’ordre à l’intérieur, comme de la sécurité extérieure, les basses révoltes de la peur et de l’envie. A quoi vous voulez bien ajouter, en parlant de nos idées de derrière la tête, et en appuyant vos affirmations et vos sous-entendus de citations appropriées, que nous réservons toutes nos indulgences et toutes nos sympathies pour la guerre civile, dont la guerre extérieure, ou la menace de la guerre extérieure, vous paraît être le seul préservatif réellement efficace.

Laissez-nous regretter, monsieur, puisque vous avez à votre disposition un choix si complet et si décisif de documens, que vous n’en ayez pas produit davantage. Laissez-nous regretter surtout, vous qui connaissez si bien la valeur des pièces justificatives, que vous n’ayez pas jugé à propos, en ayant l’air de nous imputer ces phrases soigneusement mises entre guillemets, d’indiquer où vous les avez prises