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d’autrui, c’est-à-dire le vol, ne sera jamais une solution. Non, ce n’est pas une solution pour celui qui s’y abandonne, au moment même où il s’y abandonne. A plus forte raison n’en est-elle pas une pour la suite de ses efforts. Mieux valait pour lui apitoyer un honnête homme, — il l’eût trouvé, — que de fournir un exemple de plus aux malhonnêtes gens ; car il n’est guère de pauvre qui ne soit exposé à être volé, sous une forme ou sous une autre, par un plus pauvre que lui ou se disant tel ; et on connaît le mot si juste : « Celui qui vole le pauvre, c’est le mendiant.., » — le mendiant professionnel. De même, chercher partout du travail sans s’arrêter nulle part ne sera jamais un bon moyen d’en trouver.

Telles sont les vérités nécessaires à rappeler même aux individus qu’elles paraissent opprimer dans des circonstances particulières. Il est de l’essence de la loi de fixer tout ce qu’exige la commune sécurité des citoyens. A une société d’hommes ayant des passions et des intérêts qui risquent à tout moment d’être en conflit dans des circonstances d’une variabilité indéfinie, il faut avant tout des règles simples et fixes. C’est sur ces règles qu’il est enjoint, une fois pour toutes, à chacun, de redresser ses incohérences, de refréner ses caprices égoïstes, d’orienter ses prévisions, d’orienter enfin ses efforts, ceux des enfans qu’il élève et des personnes dont il a la charge. S’il y a une éducation sociale, une éducation donnée par ceux qui ont la réflexion et l’expérience à ceux qui n’ont ni l’une ni l’autre, en voilà bien le premier fondement.

Certes, nous ne l’avons pas oublié, la société doit se tenir à même de discerner ceux qui n’ont réellement pas pu obéir à telle ou telle loi. Toutes les fois, en effet, que le cas se renouvelle, les représentans de la justice, juges ou jurés, veulent avoir à leur disposition des moyens de tempérer, quelquefois même de supprimer complètement la peine. Mais il importe de diminuer le nombre de ces cas : toutes les exceptions sont dangereuses, elles prêtent à des interprétations individuelles qui deviennent vite des encouragemens à éluder la loi commune. La faveur, la partialité politique, la flatterie à l’égard de certaines classes risquent bien aussi de les mal distribuer ou de les multiplier au-delà de ce qui est juste et utile. Tout cela bien entendu, il faut donc avoir le courage de dire qu’en général l’assistance sociale ne doit pas trop aller au-devant des difficultés, que l’impossibilité d’obéir