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6 juin 1820 : « Avez-vous entendu parler de ce lauréat de Paris qui a écrit contre moi une épître tout à fait sanguinaire — a most sanguinary epitre[1] ? » Si, comme il est vraisemblable, Moore avait entendu lire la seconde Méditation, il put rassurer Byron et porter auprès de lui témoignage pour les intentions du lauréat de Paris.


LE POÈTE MOURANT

Nous avons pu, de lettre en lettre, suivre l’altération de la santé de Lamartine. A force de croître, son « grand mal de poitrine » finit par le terrasser. Il dut s’avouer vaincu et prendre le lit. Le docteur Alix, le même qui avait assisté Elvire dans sa dernière maladie, lui donna ses soins. Des amis se relayèrent pour le veiller, la nuit, dans la mansarde qu’il occupait, non plus dans l’hôtel de Richelieu, mais au numéro 28 de la rue Joubert. On lit au début du Voyage en Orient : « J’emmène avec moi M. Amédée de Parseval… Quand j’étais, il y a quinze ans, à Paris, seul, malade, ruiné, désespéré, mourant, il passait les nuits à veiller auprès de ma lampe d’agonie. » Les nobles amies du jeune poète ne l’abandonnaient pas. « Une surtout, dira plus tard Lamartine, une Italienne de grande origine, de beauté rayonnante… ne craignait pas de monter et de passer des matinées entières, comme une sœur hospitalière, auprès de mon alcôve. Bravant les fausses interprétations, Mme de L… me faisait la lecture des romans de Walter Scott qui paraissaient alors pour la première fois. Sa voix timbrée d’argent et à laquelle l’accent étranger donnait une tendresse de plus, résonne encor à mon oreille… Le prince de Léon, la marquise de Raigecourt, la rencontraient quelquefois dans mon escalier ou au coin de mon feu, et interrompaient les lectures. » Nous retrouverons, un peu plus tard, la « sœur hospitalière. »

Jusqu’à la dernière minute, Lamartine s’efforça de correspondre avec Marianne Birch, et il lui écrivait encore, à la date du 28 janvier[2] :


Dieu, que votre lettre est touchante ! Pauvre et chère Marianne ! que ne puis-je y répondre ce que je sens ? Mais je suis malade, comme vous avez pu déjà le voir, je ne puis écrire et on me le défend encore ces jours-ci ; j’ai une

  1. Cité par F. Reyssié : la Jeunesse de Lamartine.
  2. « Pour Mademoiselle Marianne Birch, à elle seule. »