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C’est là que l’on aïeule eut près d’un siècle à vivre ;
Qu’un jour, à ses côtés, ma mère vint s’asseoir ;
C’est là que, tout à l’beure, à la table du soir,
Nos enfans pencheront la tête sur leur livre.

C’est là que notre fille, en son vêtement blanc,
Pour la première fois reçut la sainte hostie ;
Là, qu’un jour tu pleuras, de deuil anéantie,
Dans l’ombre, agenouillée au velours bleu du banc.

Et si nous pénétrons par ces routes sablées
Sous les ormes le long des houx et des lilas,
Les souvenirs partout se lèvent sur nos pas…
Et les parfums troublans des saisons en allées !

Saluons ces témoins de nos premiers aveux :
L’église, le manoir, autour d’eux la nature…
Celui qui ne doit rien à nulle créature
Nous combla de ces dons qu’il savait dans nos vœux.

Jours passés, jours vécus qui n’êtes plus qu’un rêve,
Histoire de nos cœurs retombant à l’oubli,
Vous l’avez empruntée à ce cadre embelli,
Votre gloire présente, aussi douce que brève.

L’agrément de la muse à notre humble destin,
Ne le devons-nous pas à ce décor d’idylle ?
N’est-ce pas grâce à lui qu’un écho de Virgile
Prête aux chants du foyer le noble accent latin ?


L’ADIEU


A travers le jardin l’hiver se glisse et rôde,
Et je n’entends plus rien que l’eau le long des toits
Ou le croassement de corbeaux en maraude
Et le bruit d’une hache au loin fendant du bois.
C’est le signe qu’il faut, d’un cœur lassé, reprendre
Le chemin de la ville et des mornes maisons,
Dire un long au revoir à mes chers horizons,