Ou peut-être un adieu, qui sait ? Comme la cendre
S’éparpille à nos doigts, s’ils veulent la saisir,
Le passé, que j’évoque à l’instant de partir,
M’échappe, sans couleur et de ligne fuyante,
Avec son long cortège où règnent les soucis…
La faute en serait-elle à mes yeux obscurcis ?
Pourtant, je reconnais une heure souriante
Qui se détache en blanc sur un ciel indécis.
O paisible manoir ! ô bosquets ! ô charmille !
Vous souvient-il du jour où parut à la grille
Le maître, jeune alors, aujourd’hui blanchissant ?
Ah ! vous pouviez déjà préparer votre lierre
Pour en orner le front du poète naissant…
Bois du pays normand, vieille gentilhommière,
Il parlerait de vous à des hommes lointains ;
Car, tel qu’un vagabond baissant des yeux timides,
Il ne vous venait pas le cœur et les mains vides :
Il vous portait l’honneur de ses propres destins.
Pareil à ce Romain qui d’un pli de sa toge
Pouvait faire sortir ou la guerre ou la paix,
Selon l’accueil hostile ou les premiers bienfaits
Il vous portait le choix du blâme ou de l’éloge,
L’obscurité toujours ou la gloire à jamais.
Car il avait trempé sa lèvre à l’onde antique ;
Il savait l’art secret, divin entre les arts,
Qui met ce que l’on aime à l’abri des hasards,
Celui-là qui fit don à la muse rustique
De pourpre deux fois teinte et digne des Césars,
L’art que peu de mortels méritent en partage
Et qui, pour le salut d’un modeste héritage,
Quand grondent le désordre et la rébellion,
Dicte au pasteur des vers que lise Pollion !
Bois longtemps inconnus dont tremble le feuillage
Aux vents froids de la mer et du septentrion,
Du pays du soleil il vous portait la lyre,
Il vous portait Virgile et sa Rome avec lui ;
Tout un monde d’où sort le monde d’aujourd’hui ;
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