Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

population aisée, du corps diplomatique, du haut commerce, des banquiers, des fonctionnaires. Avant la tombée de la nuit, tous ces gens se jettent dans le train pour gagner les lieux élevés où ils trouveront, outre la fraîcheur, la sécurité sanitaire. Petropolis, en effet, reste indemne de la fièvre jaune alors que Rio est décimé. Et cependant, il y a, entre les deux localités, un trafic intense, des relations continuelles. Bien plus ! il y a des malades de la fièvre jaune qui, ayant contracté l’affection à la ville, la soignent, pendant tout son cours, à la campagne. Et cependant, il n’y a pas de contagion, le mal ne se communique point. C’est que les stégomies ne peuvent vivre sous ce climat ; celles qui y sont amenées chaque jour par le chemin de fer ne tardent pas à périr, car les soirées sont fraîches, et pendant les nuits la température tombe souvent au-dessous de 15°.

On donne quelquefois une autre explication du privilège dont jouit la villégiature brésilienne. On l’attribue à l’altitude de cette localité au-dessus du niveau de la mer. C’est à tort. La fièvre jaune et son moustique se rencontrent, en effet, à des hauteurs supérieures à celle de Petropolis. Il suffit de citer les épidémies du Morne Rouge à la Martinique (286 mètres), du camp Jacob à la Guadeloupe (550 mètres), de Newcastle à la Jamaïque (1 200 mètres). En réalité, le régime thermométrique prime toutes les autres conditions.

Il est vrai que les circonstances d’extrême chaleur et d’humidité qui conviennent exactement au moustique de la fièvre jaune se rencontrent réunies le plus habituellement le long des rivages maritimes des contrées tropicales. Les terres de choix pour la pullulation de l’insecte et l’implantation du fléau forment une ceinture autour du globe terrestre, de part et d’autre de l’équateur. Si l’on trace dans l’hémisphère Nord et dans l’hémisphère Sud les parallèles correspondant aux latitudes de 43°, ces cercles marqueront les limites supérieure et inférieure du domaine de la stégomie, et, par suite, de la fièvre jaune. Les régions comprises dans cette vaste zone forment ce que MM. Chantemesse et Borel appellent les territoires infectables. Les contrées plus tempérées qui s’étendent de part et d’autre de cette zone sont les territoires interdits au moustique, les territoires non infectables. La stégomie calope, en tant qu’espèce, ne peut s’y acclimater, parce qu’elle n’y trouve point cette température moyenne, presque invariable de 28°, indispensable à l’accomplissement régulier de ses fonctions vitales et, particulièrement, de la reproduction.


La zone infectable représente l’habitat réel ou virtuel du