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Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/231

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moustique infectieux. C’est la région des épidémies. C’est aussi la région des foyers endémiques possibles, c’est-à-dire de l’infection permanente. Dès à présent, la stégomie, qui est un genre de moustiques très cosmopolite, existe sur des étendues considérables de la zone infectable. Theobald l’a rencontrée aux Indes, en Malaisie, au Japon, en Afrique, en Amérique, dans tous les pays chauds où il l’a cherchée. La contagion est donc capable, si l’on n’y met bon ordre, de s’étendre sur une très grande partie du monde habité. Qu’un navire atteint de la fièvre jaune, c’est-à-dire ayant à son bord des hommes ou seulement des moustiques contaminés, aborde en un point de cette zone, et voilà tout un pays menacé d’épidémie : les hommes s’inoculent aux stégomies, et de nouvelles générations de stégomies se contaminent aux hommes : la maladie progresse ; la contagion s’étend en espace et en durée : le port, la ville, le pays sont ravagés. C’est ce que l’on a vu en Espagne, lors des épidémies de Cadix et de Barcelone en 1804 et en 1821.


Les choses se passent tout autrement dans les territoires non infectables, c’est-à-dire situés en dehors de l’habitat naturel du moustique. Le navire contaminé ne provoque plus qu’une épidémie locale et qui s’éteint d’elle-même sur place. Les insectes infectieux, de mœurs sédentaires, ne s’écartent jamais beaucoup du bateau qui les loge : ils ne piquent que les imprudens qui en approchent ; tout au plus emménagent-ils sur les bateaux voisins. Comme le climat n’est pas favorable à leur reproduction, leurs ravages ne durent qu’autant que leur vie éphémère. De là ces petites épidémies qui se limitent à un bateau, à un bassin de mouillage et qui s’évanouissent d’elles-mêmes. C’est le cas des invasions de fièvre jaune observées à Marseille, à Saint-Nazaire, à Swansea, et en général dans tous les ports français ou anglais. On en comprend la raison : c’est que l’Angleterre tout entière et la France continentale, dans sa presque-totalité, sont situées au-dessus du 43e parallèle et que, par conséquent, la maladie n’y est point transmissible.


III

Cette ligne de démarcation entre les pays qui sont susceptibles d’infection et ceux qui ne le sont pas, ligne constituée par le 13e parallèle, a une importance considérable dans la lutte contre la fièvre jaune. En deçà, le péril est grave, les mesures sanitaires doivent être