Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 29.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rigoureuses : au-delà, le danger de contagion n’existe pour ainsi dire pas, et le rôle de la police sanitaire se trouve très simplifié. De part et d’autre de cette frontière à la fois entomologique et pathologique, les règlemens du service de santé peuvent et doivent différer. Ils doivent se mettre en accord avec les notions scientifiques. Celles-ci, en effet, éclairent à la fois la théorie et la pratique. Que d’obscurités se dissipent ! que de paradoxes s’évanouissent, qui troublaient les observateurs, il y a encore peu d’années ! Les médecins du lazaret de Marseille, lors de l’épidémie de 1821, ne comprenaient rien à cette maladie qui était si éminemment contagieuse sur les navires et qui cessait de l’être dès que les malades étaient transportés à l’hôpital ou en ville. Tout est clair, maintenant que les savans de la mission américaine de 1900 nous ont appris que la contagion ne se fait ni par les malades, ni par leurs vêtemens, ni par leurs déjections, mais par des moustiques, qui, dans le cas présent, sont internés sur un bateau. — Quel autre paradoxe c’était pour les médecins épidémiologistes de ce temps-là, que de deux villes, Barcelone et Marseille, l’une propre et neuve, l’autre infecte et -vieille, ce fût la première qui fût un lieu d’élection pour la fièvre jaune, tandis que la seconde restait indemne ! Il n’y a plus de paradoxe pour qui sait que l’une est en deçà et l’autre au-delà de la frontière qui limite l’habitat du moustique contaminateur.

Le 43e parallèle aborde le continent européen au Ferrol, suit les départemens pyrénéens, traverse les îles d’Hyères au-dessous de Marseille, à la hauteur de Livourne : il laisse au-dessous de lui la presque-totalité de l’Espagne, la moitié méridionale de l’Italie et, parmi les possessions françaises, une partie des îles d’Hyères et la Corse. Il faudrait donc se garder de diriger sur quelqu’une de ces îles nos troupes coloniales rapatriées des pays à fièvre jaune.

Les territoires infectables, proie possible pour le fléau, comprennent, ainsi qu’on le voit, une partie assez considérable de l’Europe, l’Afrique tout entière, une grande portion de l’Asie, l’Australie et les îles océaniennes. C’est là un immense empire sur lequel il faut veiller. Il sera de plus en plus menacé à mesure que se multiplieront les relations directes de ses diverses parties avec les foyers endémiques du Brésil, des Antilles et du golfe de Guinée. Le percement de l’isthme de Panama, en ouvrant au fléau la Polynésie et le monde asiatique, pourrait créer un péril formidable.

Le moyen de prévenir cette extension, c’est de s’attaquer à l’agent de propagation, à la stégomie, à la fois sur terre et sur mer : sur terre,